OUR STORY ~ Prologue ~ [PV - Masumi]

Après l'incident de la piscine, Miroku ne se sentait pas plus contrarié que cela. En réalité, il avait complètement zappé cette histoire, bien qu'il se souvenait encore du prénom de la jeune femme qu'il avait rencontré là-bas.
Ce n'était qu'une question de temps avant que son nom et son visage s'estompent.

Miroku n'était pas retourné en cours aujourd'hui. Voilà un autre sujet qui ne l'intéressait pas du tout: l'école.
Mais peu importe, il était 22 heures, il n'était plus l'heure des cours.
D'ici 1 heure, le jeune homme irait travailler comme à son habitude, mais en attendant, le Billard semblait hurler son nom.

Passant la porte du snooker devant lui, il entra immédiatement dans une nouvelle ambiance. L'air chaud de l'endroit ainsi que les lumières tamisées et basses le rendaient plus intime, comme si les gens qui franchissaient cette porte étaient triés sur le volet, ce qui n'était strictement pas le cas cependant.

D'un coup d'oeil rapide, il repéra les situations à chaque table de billard. Analysant les événements, il laissa ses yeux s'attarder sur une table en particulier.
Un homme seul y jouait pendant que d'autres non loin de ce dernier semblaient entourer volontairement une femme.
Si Miroku ne se laissait pas le bénéfice du doute, il aurait mis sa main au feu en pariant que les hommes et le joueur solo étaient ensemble.
Quant à la jeune femme, sans doute les avait-elle pris de haut et qu'elle s'en mordait désormais les doigts.
Ce n'était pas son problème... Jusqu'à ce que l'un des hommes de la ronde commence à la pousser sans délicatesse contre un autre, et ainsi de suite. De la violence physique envers une femme? Ils jouaient avec elle? Ces abrutis semblaient plus vouloir l'effrayer en réalité, pour une raison que Miroku ne connaissait pas.

Le jeune homme eut un sourire rayonnant qui se dessina sur son visage.
Voilà une occasion de s'amuser un peu.
Bien qu'aux échecs il aurait été sûr de gagner, au Billard cela était différent. Cette partie ne se jouerait pas sur l'intelligence. Mais tant pis, il prendrait le risque.
Sa vie était tellement monotone que Miroku avait besoin de tels événements pour se sentir vivant. Si pitoyable, mais nécessaire.

Le jeune japonais fouilla dans sa poche pour sortir 10 000 yens et s'approcha du joueur solitaire qui occupait une table pour lui tout seul.

10 000 yens si tu gagnes. Miroku secoua les billets afin qu'ils soient bien visibles pour appâter l'ennemi.
3 000 yens pour moi si tu perds. Plus la femme.
C'est un marché plutôt honnête, non?

Il venait de littéralement donner un prix à la jeune femme qui pouvait maintenant récupérer son souffle maintenant que l'attention s'était détourné d'elle. 7 000 yens.

Un silence s'installa avant que Miroku ne reprenne la parole en se retournant vers les hommes du joueur.

S'en prendre physiquement à une femme est plutôt lâche, alors moi aussi j'ai décidé de m'en prendre à plus faible que moi.

Provoquant une vague de haine envers lui de la part des jeunes rebelles, ils s'approchèrent de Miroku dans l'idée sans doute de lui casser une dent... Avant de finalement se faire arrêter par le joueur et sans doute le leader qui s'était enfin décidé à parler.

- Ramène-toi connard.

Miroku eut à nouveau un sourire rayonnant sur son visage. Sa proposition avait été acceptée. Maintenant que la colère était monté d'un niveau dans le camp ennemi, il allait pouvoir s'amuser un peu.

Enchanté de même, lança t-il alors d'un ton ironique.

Il rangea l'argent dans la poche de son jean, là où personne n'irait le chercher à part lui-même.

Récupérant une queue de billard, il ne se préoccupa plus des événements qui pouvaient se dérouler autour de lui.
Il fallait qu'il gagne, et sa concentration était totalement au service de la partie désormais.
Son adversaire, quant à lui, avait reformé le jeu.
Puisque Miroku l'avait défié, il aurait le droit au premier coup.

L’air du soir était particulièrement frais, et les passants se couvraient du mieux qu’ils le pouvaient de leur manteaux. Une jeune fille poussa la lourde porte d’un établissement aux couleurs criardes. Les bruits de la circulation furent remplacés par ceux des verres reposés violemment sur un comptoir et ceux des queues percutant les billes.
La jeune fille s’aventura dans la pièce principale et prit le temps d’observer l’endroit dans lequel elle venait de pénétrer.
Elle ne voyait aucune tête connue, et pianota nerveusement
sur son portable.

Citation :

Coincés dans le trafic. Gomen pr le retard. Tchao.

L’étudiante regarda le sms qu’elle venait de recevoir, et soupira en rangeant son mobile. Pour une fois que ce n’était pas elle qui était en retard, il fallait que ses amis soient coincés dans un embouteillage.
Tout en s’approchant du bar, elle repensa au dernier mot du
texto qu’elle avait reçu. Ils avaient sûrement écrit « tchao » comme un clin d’œil à ses origines italiennes. La jeune fille secoua la tête en se promettant de leur donner un jour l’orthographe correcte de ce mot.

Commandant un Bloody Mary, elle ne fit pas attention à une
présence qui s’approcha d’elle.

« Bonsoir. Tu es nouvelle ici ? »

La voix masculine qui prononça ces mots était suave et
mielleuse, et la jeune fille s’agrippa inconsciemment au comptoir. L’homme était grand et musclé, et vu sa taille de guêpe l’étudiante avait très bien conscience qu’elle ne ferait pas le poids.
Si seulement le trafic pouvait se fluidifier, et que ses
amis arrivent rapidement…

« J’attends quelqu’un. »

Elle le dit d’un ton qu’elle espérait ferme et sans hésitation.

« Je ne vois personne pourtant » L’homme la prit
doucement par l’épaule, et lui grimaça un sourire qui fit la fit frissonner.

Elle lança un regard implorant à l’homme qui la sauvait de
bien des situations : le barman.
Pourtant celui-là se contenta de faire un clin d’œil à
l’homme qui embarquait l’étudiante.
Elle soupira, exaspérée. Elle était vraiment mal tombée ce
soir.

Se laissant mener vers une table de billard, elle devint rapidement le centre d’attention d’un groupe d’hommes qui empestaient l’alcool.

« Je vous présente ma nouvelle copine » présenta
l’homme du comptoir.

« Tu t’appelles comment ma jolie ? »

L’étudiante regarda les personnes qui l’entouraient avec un
visage impassible. Si elle leur montrait le dégoût qu’ils lui inspiraient, elle passerait sans aucun doute un très mauvais quart d’heure.

« Yukiko Tanaka. Je suis au lycée Amenoki, au centre de
la ville. »

Toujours mentir sur son nom et son lieu de vie, c’était une
habitude que la jeune fille avait pris très tôt. Même si ils venaient
l’attendre à la sortie de ce lycée, elle serait tranquille.

Un des hommes commença à rire sauvagement, et dit d’un ton
qui ne laissait rien présager de bon :

« Alors pourquoi c’est marqué que tu t’appelles Masumi
Kyoka, au lycée Yamaguchi ? »

Il lui montra sa carte d’étudiante, qu’il avait réussi à
subtiliser de son sac sans qu’elle s’en aperçoive.
La jeune Masumi le regarda sans répondre, le regard perdu. Elle
était découverte, et ils lui feraient sans doute payer cher ses mensonges. Il fallait que ses amis se dépêchent car la situation
commençait clairement à dégénérer.
L’homme du comptoir commença à la pousser vers un de ses
amis, qui donna un coup dans les jambes de Masumi, tout en la repoussant vers un autre énergumène.
La jeune fille essaya de reprendre son équilibre, le souffle
court.

Une voix plus jeune s’éleva alors près du groupe amassé
autour de Masumi, ce qui stoppa net les actions des alcooliques.
La lycéenne s’agrippa à un billard, sa carte d’étudiante
serrée dans sa main.
Elle regarda le jeune homme qui parlait.
Il faisait référence à un marché, qui incluait une femme.
L’étudiante ferma rapidement les yeux. Le petit nouveau était donc de la même trempe que ses agresseurs. Il devait parler d’une prostituée ou d’une femme de cet acabit.
Ce ne fut que lorsque le jeune homme se tourna vers la bande
d’alcoolos et reparla d’une femme maltraitée que Masumi comprit qu’il faisait référence à elle.

« Hé ? »

Son murmure était à peine audible, mais Masumi ne cherchait
pas à se faire entendre. Elle essayait simplement de démêler les informations qui s’embrouillaient dans son esprit.
Le jeune prétentieux… cherchait à l’acheter ??

La jeune fille comprit alors qu’il s’agissait d’un pari. Si
le petiot gagnait une partie de billard, il avait le fric et elle en prime.
Mais si il perdait… Masumi tritura le feutre du billar près d’elle, en proie à une grande agitation.

Elle se faufila hors du groupe des alcooliques violents qui s’étaient
installés pour regarder la partie, et se planta derrière le jeune homme.

« Tu es sûr de gagner ? »

Elle observa avec une rare intensité celui qui avait proposé
de l’acheter. Il était impossible de prévoir le gagnant à ce jeu, mais si on avait une technique sans faille il n’était pas difficile de dire qu’on allait remporter la victoire.
Il fallait que ce jeune homme gagne. Après quoi elle s’arrangerait
avec lui.

Au contraire, elle ne pourrait jamais trouver de compromis
avec les vieux alcoolos.

Elle resta à regarder le jeune homme, attendant une réponse.

Miroku n'avait pas pris la peine d'adresser un quelconque regard à la jeune femme qui venait de récupérer sa liberté un peu plus tôt.
Les hommes pouvaient devenir des animaux lorsqu'il s'agissait de trouver une femme, mais ici, le jeu ne semblait pas être le même. Une vague question traversa durant quelques secondes l'esprit de Miroku avant de finalement s'effacer: Quel était le but de leurs agissements?

Quoi qu'il en était, sa concentration était désormais dévouée à la partie de billard qui allait se dérouler, opposant Miroku le petit connard prétentieux au leader d'un gang se croyant plus intelligent que les autres.

Jouant avec sa queue de billard, il regarda la jeune femme se décaler pour venir se placer derrière lui. Par pure réaction défensive, le jeune homme l'avait suivie du regard.
Bientôt, elle s'adressa à lui et Miroku prêta attention à ses paroles.
Elle lui demandait si il était sûr de gagner et un rire s'échappa des lèvres du japonais.

La réalité, c'était que Miroku avait déjà analysé la situation. Cependant, il calculerait les tours de la partie au fur et à mesure.

Le jeune homme pratiquait le billard depuis son enfance. Son père lui avait tout appris, mais la capacité intellectuelle de Miroku faisait qu'il avait ce petit plus face à ses adversaires.
Réaliser un coup puis laisser des choix à son opposant, mais avoir de quoi contre-attaquer, quel que soit le choix possible. Et ainsi de suite.

Une faille à ce raisonnement cependant: il fallait que son adversaire soit doué.
Si il se trouvait face à un débutant qui loupait ses actions, tous les pions seraient déplacés aléatoirement et ses prédictions seraient erronnées.

Afin de répondre à la jeune femme qui se trouvait toujours derrière lui, il lança vaguement:

Regarde comment il tient sa queue de billard.

Effectivement, comme avait pu le prévoir Miroku: cette partie ne se jouerait pas sur l'intelligence.
C'était un débutant, qui jouait seul pour tout simplement apprendre, derrière ses airs de caïds; c'était compréhensible. Il fallait bien débuter un jour.
Mais derrière cela se cachait aussi la peur de se mesurer à d'autres joueurs plus expérimentés avec un tel niveau, car si jamais il perdait, cela en irait de sa réputation.
D'où la stratégie de départ de Miroku: énerver le leader afin qu'il accepte de jouer une partie contre lui.

La violence serait sans doute la réponse finale à ce duel.
Miroku serait alors assailli de coups par les hommes du futur perdant, et ceci par pure fierté: faire taire le vainqueur.
Mais ce n'était pas grave, bien que si il finissait couvert de bleus, son employeur ne serait pas très content.
Miroku aurait le temps durant la partie de réfléchir à une solution pour s'en sortir sans trop de peine, tout en prenant en compte la jeune femme qu'il fallait aussi qu'il protége maintenant qu'ils en étaient arrivés jusque là. Elle avait en quelque sorte servi d'excuse à tout ceci après tout.


Miroku s'approcha de la table de billard et frappa le premier coup, brisant le triangle de billes si parfait.
Les premiers coups serviraient d'observation, mais auraient aussi pour but de cacher son niveau réel.
Ce leader devait d'abord se sentir tout puissant afin de chuter de plus haut.
Ainsi, rien n'entra, et l'adversaire put jouer à son tour, ce qui entraîna le même résultat.

Continuant de cette façon, Miroku se laissa tout d'abord perdre, pour la plus grande excitation du camp opposé, jusqu'à ce qu'il décide de retourner la situation à son avantage.

Entrant une bille, il enchaîna avec la suivante, et ainsi de suite, sans jamais laisser la chance à l'adversaire de pouvoir retoucher au jeu. Calculs et expérience.

Aucune expression ne se dessinait sur le visage de Miroku, totalement impassible, trop concentré sur son propre jeu.
Cependant, un léger sourire apparut tout de même lorsqu'il marqua le dernier point de la victoire.

Relevant un sourcil, le jeune japonais adressa un regard au perdant.
Il resta alors silencieux, laissant le temps nécessaire à l'adversaire pour avaler sa défaite. La digestion serait sans doute plus difficile.

Rapidement, Miroku se plaça derrière lui, calant la queue de billard devant l'un des yeux de l'idiot qui venait de perdre 3 000 yens pour pouvoir ainsi le menacer.

Paye ce que tu me dois.

Il était hors de question que ces mecs touchent à un seul de ses cheveux, il avait du travail ce soir.

- Tu sais que quand on te retrouvera, on te fera la peau?!

Le visage de Miroku resta impassible; de telles menaces étaient ridicules et inintéressantes.
Cet homme et ses sbires ne mettraient plus un seul pied ici, c'était quelque chose dont il pouvait être sûr.

Récupérant l'argent qu'il rangea immédiatement dans sa poche, il lança alors d'un calme déconcertant.

En attendant ce jour, respecte tes engagements pour ce soir.

Miroku se désarma alors, calant la queue de billard sur la table.
Si les ondes négatives étaient toxiques, sans doute serait-il déjà mort. Mais heureusement, il était bien vivant, venait de gagner 3 000 malheureux yens et... une femme.
Il avait failli l'oublier.

Se dirigeant vers la sortie sans même se retourner, il adressa finalement un regard au lot qu'il venait de gagner.
Miroku attrapa alors son bras sans lui faire mal et l'attira hors de l'établissement.
Il était tout simplement incapable de faire preuve de gestes violents envers une femme, qui surtout ne lui avait rien fait, mais ce n'était pas pour autant qu'il était capable de démontrer une quelconque tendresse, gratuitement bien sûr.

Prenant la peine de marcher à quelques rues de l'établissement, le jeune homme lâcha alors son bras et la fixa un instant:

Tu me dois 7 000 yens.

Masumi regardait le jeune homme qui avait lancé un pari
aussi fou que salvateur. Elle venait de lui demander s’il était sûr de gagner, et le rire inattendu de son interlocuteur la déconcerta. La lycéenne le regarda en fronçant les sourcils. Elle espérait qu’il ait réellement compris la situation, car la sécurité de Masumi était en jeu.

Cette dernière observa avec un regard différent le jeune
homme devant elle. Il lui semblait vaguement familier, comme s’ils s’étaient croisés de nombreuses fois sans réellement y prêter attention.
Elle n’y fit plus attention pour se concentrer sur les
paroles du garçon.

Il lui disait de regarder comment le leader imbécile tenait
sa queue de billard.
Sans rien répondre, Masumi se tourna vers la table feutrée.
Effectivement. L’adversaire du jeune homme n’avait pas l’air
particulièrement à l’aise, crispé sur le long bout de bois.
Cela faisait des années que la lycéenne avait commencé à
jouer au billard, et savoir observer les autres joueurs était une qualité qu’on lui avait enseigné depuis le début.

L’inconnu s’approcha du billard, et frappa le premier coup.
Le bruit sec fit tressaillir Masumi. Elle ne pouvait pas
regarder la partie qui se déroulait sous ses yeux de la même façon. Elle avait toujours l’habitude de rire, chanter avec ses amis, ou même dire des idioties tout en essayant de déstabiliser un des joueurs. Personne ne se prenait au sérieux, et c’était ce qu’elle aimait.
Mais à cet instant précis la pression était insupportable.
Elle jeta un coup d’œil au groupe d’alcooliques, tout excités de voir une partie dans lequel pas mal d’argent était en jeu. Masumi réprima une grimace.
Ces personnes faisait pourtant partie de son univers, car il
y en avait toujours un ou deux dans les bars qu’elle fréquentait. Mais Masumi était presque toujours entourée de nombreux amis, d’un homme sûr, ou d’un barman attentif dans le cas échéant.
Cette impression de n’avoir personne sur qui compter était terrifiante.

Masumi laissa son regard se poser sur le dos du jeune orgueilleux.
C’était lui sur qui elle comptait ce soir là. Ils ne se connaissaient pas, et même si cette impression de déjà vu continuait de la hanter, ce n’était pas là le problème. Un inconnu proposait de l’aider, et même si c’était pour un motif cupide, elle était touchée.

Ce sentiment de gratitude s’estompa d’un coup sec lorsque
Masumi entendit les cris de victoire des vieux alcooliques.
En plus d’être vaniteux, le jeune homme avait le culot de
perdre ?!

La lycéenne rongea son frein en silence, et observa son
ex-sauveur.
Aucune trace de défaitisme ni de mécontentement n'étaient
lisibles sur son visage. Il était simplement concentré sur son jeu, et ses gestes étaient précis.

Masumi tortilla ses cheveux sur un doigt, en proie à une
grande inquiétude. Soit le blanc-bec cachait vraiment bien son jeu et était en réalité un as du billard, soit il était un joueur miteux qui allait totalement perdre son pari.


La jeune fille préféra fermer les yeux. Les coups sec de la
queue contre les billes s’accélérèrent soudain, et Masumi rouvrit doucement un œil.

Seul le jeune homme était resté devant la table, et il
enchaînait les coups.
Le leader restait plus loin, coincé à faire la chaise
pendant que l’inconnu rattrapait tous ses points.
Seul un léger sourire vint éclairer le visage du jeune prodige
lorsqu’il mit la dernière bille dans sa poche.

Le gagnant se dépêcha de récupérer son argent, et ne fit pas
grand cas des avertissements menaçants du leader.
Masumi observa le jeune homme s’éloigner, et eut l’espoir l’espace
d’un instant qu’il l’eut oubliée.

Pourtant deux secondes plus tard elles se retrouva à
plusieurs rues de l’établissement, le vent froid lui glaçant les joues, debout devant ce beau prétentieux qui venait de la « gagner ».

D’un ton inexpressif il lui demanda 7000 yens.
Masumi éclata de rire. En prime d’être sûr de lui, il avait vraiment
du toupet ce jeunot.

« Tu es amusant dans ton genre. »

Masumi prit le temps de déclarer sa réponse, le ton légèrement absent. A vrai dire elle ne faisait même pas attention à ce qu’elle
lui racontait, mais scannait l’endroit où elle se trouvait, cherchant du regard une sortie de secours.

Ce n’était pas parce que son interlocuteur était jeune qu’elle
devait le sous-estimer. Il restait un homme qui n’avait d’ailleurs pas hésité à mettre un prix sur sa petite personne.

L’étudiante observa plus précisément celui qui se tenait
devant elle. Il était vraiment jeune. C’était comme si ils avaient à peu près le même âge…
Un déclic se produisit dans l’esprit de Masumi. Bien sûr.
Elle le reconnaissait maintenant.
En même temps comment l’oublier ?

Il étudiait dans le même lycée qu’elle, et traînait
régulièrement tard le soir. Sauf que contrairement à Masumi et à ses amis, il s’aventurait toujours dans un dédale de rues qui avaient une très mauvaise réputation.
La lycéenne réprima un soupir, et ajouta, le ton devenu presque
las.

« Tu as l’habitude de demander de l’argent aux femmes
sans rien leur donner en retour ?
Ce n’est pourtant pas le principe du jeu. »

Elle n’avait plus d’appréhension envers le jeune homme, et
ne cherchait en conséquence plus à s’enfuir rapidement.
Masumi se reposa donc contre le mur derrière elle, et les
bruits incessants de la circulation la bercèrent légèrement.
Elle ne se sentait pas en droit de juger le mode de vie de
celui qui l’avait aidé. Après tout elle avait elle-même un passé ponctué d’événements plus ou moins glorieux.

Pourtant elle ne parvenait pas à adhérer à ce type de
raisonnement. Le jeune lycéen devait vraiment voir les femmes comme du bétail.
Et malgré cela il l’avait quand même tirée des griffes du
groupe d’imbéciles.

Masumi plongea son regard dans celui de l’host.
Si elle s’intéressait assez aux inconnus, elle aurait sûrement
cherché à en savoir plus sur lui.

«Pourquoi m'as-tu inclue dans ton pari ?»

Masumi se contenta de finalement poser la question qui l'intriguait.
Elle se ne s'attendait pas à une réponse des plus sincères, mais désirait un dernier échange avec le jeune homme.

Après que Miroku ait verbalisé sa demande, la jeune femme lui rit au visage et il la fixa un instant. Elle osait rire de lui?
Ajoutant qu'il était amusant, le japonais releva un sourcil, sans vraiment comprendre.
Visiblement, elle ne le prenait pas au sérieux, mais elle finirait bien par réaliser qu'il ne plaisantait pas lorsqu'il perdrait patience.

La jeune femme l'analysait, littéralement. Et ceci, Miroku pouvait le lire dans ses yeux.
Qui sait, peut-être même qu'elle l'évaluait.
A vrai dire, cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps.
Un silence s'installa entre eux alors que Miroku prit la peine de l'analyser à son tour, question de sécurité.

Interrompu, il écouta ce que l'ingrate face à lui avait encore à lui déblatérer.
Ingrate était le bon mot. Elle n'avait pas compris que sans lui, elle aurait sans doute été dans une autre position actuellement.
Même si Miroku n'avait pas fait toute cette scène pour elle, le résultat était le même.
Ainsi, son action devait être payée. Il avait tout de même parié 10 000 yens dans cette histoire, somme certes dérisoire pour le compte en banque du jeune homme, mais toujours importante à ses yeux.

Miroku ne prit alors pas la peine de commenter d'une quelconque manière ses propos.
Parler n'était pas indispensable. Quoi qu'il en était, elle payerait son dû, même si il devait lui envoyer des lettres de rappels de dettes tous les jours.

Il la suivit du regard lorsqu'elle s'installa contre le mur. Elle semblait plutôt détendue. Cette jeune femme ne se méfiait visiblement pas de Miroku.

Leurs yeux se croisèrent et l'host se rapprocha d'elle.
Pourquoi l'avait-il inclue dans le pari?
La vérité était qu'il ne supportait pas la violence physique envers les femmes. Ce qu'il ne désirait plus jamais voir dans sa vie était une femme se pliant de douleur. Cette vision le perturbait.
Mais personne n'avait besoin de connaître cette version des faits. D'ailleurs, Miroku n'avait rien à lui répondre.

Il s'approcha alors un peu plus d'elle et marqua un temps d'arrêt, fixant ses yeux qui démontraient une confiance en elle importante.

Si tu ne veux pas payer, je te ramène là-bas.

Miroku attrapa son bras de la même façon que précédemment et l'attira hors de la ruelle tranquille pour se diriger vers le Snooker.
Autant aurait-il préféré ne pas faire une telle chose, mais la menacer physiquement n'était pas son trip préféré pour obtenir ce qu'il désirait. Alors, il trouverait un autre moyen.

Masumi fixait le jeune homme, attendant une réponse.
Visiblement il n’était pas un grand parleur.

Il se contenta de s’approcher d’elle lentement, pour finalement
la menacer de la ramener au bar.

La jeune fille le regarda sans sourciller. Elle savait pertinemment
bien que les idiots seraient déjà partis, et que dans le cas échéant ses amis
seraient là pour lui porter secours.
Elle avait l’avantage de la situation, et cela le jeune
prétentieux ne semblait pas l’avoir compris.

Elle se laisser attirer vers lui pour qu’il l’emmène vers
une ruelle proche de celle qu’ils avaient quitté précédemment, et le suivit sans
broncher.

Ce ne fut qu’à mi-parcours que Masumi se lassa de ce petit
jeu qui finalement ne l’amusait plus.


S’éloignant doucement de l’inconnu, elle arrêta sa marche et
referma son manteau contre elle.
Réprimant un frisson de froid, elle posa un doigt sous le
menton du jeune homme, et lui parla d’une voix basse :

« Chacun choisit le monde dans lequel il évolue. Le mien n’est
pas rempli d’histoires de fric ou de relations de pouvoirs.
Tout comme j’ai choisi de t’estimer pour m’avoir sortie d’ennuis ,
je choisis également de ne pas te payer. »

S’approchant de quelques centimètres, elle ajouta doucement :

« La valeur de quelqu’un ne se compte pas en yens, n’est-ce
pas ? »

Elle plongeait son regard dans celui du jeune homme, et
malgré l’attitude dédaigneuse de ce dernier, Masumi aimait comment son regard la fascinait. Cet homme avait une aura particulière, et elle se laissa un
instant espérer que ses manières ne fussent pas si glacées envers elle.

Ne changeant pas de position, elle observa calmement :

« Tu es gelé. »

Elle se décala enfin, et remit d’un coup rapide son sac sur
son épaule.

Miroku arrivait pratiquement vers le Snooker, regrettant déjà son futur geste, jusqu'à ce que la jeune femme se détache brusquement de son emprise.
Il aurait dû s'y attendre. Elle n'était pas suicidaire pour y retourner, mais rien ne leur garantissait que les imbéciles n'étaient pas partis juste après eux.

Miroku se retourna alors pour lui faire face. Elle refermait son manteau calmement et il laissa échapper un léger soupir.
Si détachée... C'en était presque reposant. Mais ici, il n'avait pas à penser à de telles choses. Elle lui devait 7 000 yens.

Bientôt, la jeune femme s'approcha de lui pour poser son doigt sous le menton de Miroku et il recula violemment, accompagné d'un visage effrayé, cachant instinctivement sa bouche et son menton avec son avant-bras.
Sans s'en rendre compte, il venait de lui crier l'une de ses faiblesses et il se reprit rapidement, afin de cacher une telle confession.

Miroku pouvait prévoir ce genre de gestes lors de son travail, il y était préparé psychologiquement, mais ici, cette jeune femme prenait trop ses aises. Comment osait-elle le toucher?
D'ailleurs elle lui parlait de l'estime qu'elle avait pour lui mais lui rappela qu'elle ne payerait pas sa dette.
Son estime ne lui servirait à rien. Ce n'était pas ça qui allait le guérir ou remplir ses poches.

Elle s'approcha de nouveau et Miroku se refusa de reculer. Quel idiot il avait pu faire précédemment, mais elle l'avait pris par surprise. Il ne se laisserait plus faire.
« La valeur de quelqu’un ne se compte pas en yens, n’est-ce pas ? »
Il plissa les yeux, l'observant.

Tout a un prix.

Même lui, avait un prix... Certes, plus élevé que 7000 yens, mais c'était sa conception de la vie, dans un monde où tout était régulé par de l'argent et où les plus riches dominaient les autres.

La seule réponse qu'il obtenu fut qu'il était gelé et un léger sourire se dessina sur son visage.
Une telle protection était nécessaire, n'est-ce pas? Miroku ne douterait jamais de lui. Les gens étaient dangereux, alors il deviendrait encore plus dangereux qu'eux.

Peu après sa remarque, la jeune femme s'éloigna de nouveau et soudainement, son coeur se déserra.
Il cala ses mains dans ses poches.

Je crois qu'on va avoir un petit problème.

Son visage reprit une expression impassible.
Miroku était têtu, peut-être plus que quiconque. Il n'abandonnerait pas tant qu'il n'aurait pas ce qu'il voulait, même si il devait pourrir la vie de la jeune femme pour cela. Ca serait le prix à payer pour refuser les exigences de Miroku, et puis cela l'occuperait. S'amuser un peu n'était pas de refus.

Soit 7 000 yens, soit 70 jours d'obéissance absolue.

Oui, Miroku était tout à fait sérieux.
Prendre les gens pour des moins que rien faisait partie intégrante de sa vie.
Et si elle ne choississait pas, il la retrouverait et ferait pression sur elle jusqu'à ce qu'elle craque.
Un léger sourire se dessina sur son visage.

S’approchant du jeune homme pour lui poser un doigt sous le menton, Masumi observa avec surprise la réaction de celui qui lui faisait face. Il s’était reculé vivement, en position de défense. Si la lycéenne ne l’avait pas vu se comporter d’égal à égal avec le leader rencontré précédemment, elle aurait pu facilement croire que le jeune inconnu fusse en réalité un enfant maltraité.
Pourtant elle ne parut pas s'émouvoir de cette réaction, et s’approcha de lui, sans essayer de le toucher cette fois.
Masumi lui parla d’un ton bas et sérieux, et insista sur le mot estime. Qu’il l’ait compris ou non, c’était la façon qu’avait choisi la lycéenne pour le remercier.
Elle s’approcha encore, et cette fois le jeune homme parvint à réfréner son mouvement de recul. Il resta droit face à elle, et Masumi lui glissa que la valeur des êtres ne se calculait pas.

L’inconnu plissa les yeux, et lui répondit que tout avait un prix.
Masumi réprima un sourire.
Evidemment. S’il ne pensait pas de cette façon, il ne pourrait pas exercer son métier.

Elle se contenta de lui faire calmement remarquer qu’il était gelé, et s’éloigna enfin.
Le jeune homme mit ses mains dans ses poches, visiblement plus détendu.
Masumi sourit légèrement. Il était émotif ce petit, au final.

Cependant la phrase qui suivit ce silence la déstabilisa complètement.
Il lui proposait un nouveau marché, comme si le pari avec le leader des imbéciles ne lui avait pas suffit.

70 jours d’obéissance absolue…
Masumi répliqua sans même prendre le temps de réfléchir :

« Impossible. »

Elle ne passerait pas plus de deux mois sous les ordres d’un petit prétentieux qui croyait être au dessus des autres.
Pourtant l’esprit de Masumi continuait d’analyser la situation, et elle tenta de clarifier à haute voix :

« Si j’accepte de te revoir avec tes conditions… je veux imposer certaines de mes règles avant.

Elle voulait plus que tout qu'il la laisse tranquille, et n'avait trouvé sur le moment que l'option d'arranger son marché à sa sauce pour se sortir de ces ennuis.
Masumi replongea son regard dans celui de son interlocuteur, et continua :

Je n’accepte le marché que pour 15 jours, pas un de plus. De plus, ne t’avise pas de me charger de dettes pour des contacts physiques. »

Elle sourit malicieusement à l’inconnu devant elle. Elle ne prenait cette histoire que comme un jeu, et le futur lui dirait si ou on non elle avait raison.

Les conditions que Masumi rajoutaient au marché ne furent
pas acceptées par le jeune homme.
Il remonta le nombre de jours à quarante, et imposa la règle
de n’avoir aucun contacts physiques.
La lycéenne réprima un éclat de rire. Elle n’avait jamais parlé d’interdire les relations physiques, juste de ne pas les inclure dans des futures dettes qu’elle devrait lui verser.
Il lui était impossible de s'interdire de toucher un homme avec qui elle était censée passer beaucoup du temps. Pourtant, aussi mignon que le jeune homme puisse être, les manières et l’attitude dédaigneuse de ce dernier ne la poussait pas à lui sauter dessus.

Ne faisant pas référence à cette partie du contrat qu’elle trouvait stupide, elle revint tout de même sur le nombre de jours :

« 40 jours est encore trop. Je n’accepte que pour un mois, soit 30 jours. La dernière semaine où je serai sous tes ordres ce sera également mon anniversaire, tu devras donc me laisser sortir avec mes amis. »

Masumi réfléchit rapidement.

« Je n’ai rien à ajouter. »

Remettant d’un coup sec son sac sur son épaule, elle s’éloigna
en direction du bar. Elle était en retard pour voir ses amis qui l’attendait.

Pourtant elle s’arrêta en plein milieu de la rue, et prit
rapidement de quoi noter.

Citation :

Kyoka
011-213-2127

Revenant rapidement sur ses pas, elle posa doucement le bout
de papier dans la main du jeune homme.

« Le contrat débute demain matin. Ne t’avise pas de me faire lever en pleine nuit. »

Masumi s’éloigna enfin après un dernier regard au jeune
homme, et pénétra à nouveau dans le bar, où ses amis étaient déjà attablés
devant le comptoir.