Est-ce enfin cela, le bonheur? - Ryûzaki Honzo

Ce repas-là s'annonçait assez joyeux, vu le début de la journée. C'est vrai, le temps était magnifique, mais il n'y avait pas que cela. Emi avait fait la rencontre de cet homme et elle l'appréciait vraiment beaucoup. Les dernières paroles qu'il avait dites sur elle, eux, leur étreinte, elles les avaient réellement touchée au plus profond d'elle-même. C'est le coeur léger et le visage heureux qu'ils se dirigèrent donc vers le fast food le plus près. Le jeune fille ne savait si c'était ça, le bonheur, mais elle y songeait de plus en plus. Finallement, elle se dit simplement que ça lui était égal. Elle aimait être là, souriante et insouciante. Elle avait complètement oublié tous ses petits tracas quotidiens, Ryûzaki avait ce pouvoir de la rendre magnifiquement adorable. Lui aussi, il était mignon cette journée-là. Mais Emi croyait qu'il l'était probablement toujours.

Arrivés à la bouffe, ils firent la file en attendant de commander. La jeune coréenne regardait tout autour. Elle avait ce sentiment étrange que plus rien ne pouvait la toucher, que seul son ami pouvait vraiment l'atteindre en cet instant. Elle souriait doucement à l'idée qu'elle allait partager encore quelques moments avec lui. Cette pensée n'était pas pour lui déplaire, en fait. Elle redoutait un peu le moment ou ils devraient se laisser... Mais elle ne voulait trop y penser, car ça l'attristait pour rien. Elle devait profiter de chaque instant passés avec lui.

" C'est marant regarder les gens, parfois ils sont eux-même entrain de nous dévisager et ils en sont très gênés lorsqu'ils s'y font prendre... Pourquoi en être gêné? Je veux dire, je te regarde bien.. et ce n'est pas un crime! Les gens sont bien spécials parfois. Je ne les comprendrai probablement jamais.."

Elle était pensive, elle voyait bien que certains les regardaient étrangement. Peut-être était-ce bizare tout cette situation, mais ne voyaient-ils pas qu'elle était heureuse? Enfin! Elle attendait cela depuis si longtemps qu'elle se dit en elle-même qu'ils n'avaient pas le droit de les juger. Puis, son regard s'arrêta de nouveau sur le brun qui l'accompagnait. Il possédait un visage si doux qu'elle avait quasiment envie de l'effleurer. Mais cela serait déplacé... donc elle n'en fit rien. Seulement, elle ne put s'empêcher de poser délicatement sa tête sur l'épaule de celui-ci. Comme ça, elle pouvait sentir sa présence, savoir qu'il était toujours là près d'elle.

C'est alors que leur tour de commander arriva. Une dame leur demanda ce qu'ils voulaient. Emi n'y avait pas vraiment réfléchie, donc elle prit la première chose qu'elle vit sur les écriteau. Après tout, il est rare qu'elle n'aime pas le fast food. Gênée, elle bafouillait un peu sa réponse et attendit celle de son ami.

Les deux amis étaient entrés dans le premier fast-food qu’ils avaient pu trouver. Peu importait, de toute façon, du moment qu’ils étaient ensemble. Et puis ce genre de restaurants se ressemblent tous, non ?Bref, ils poussèrent la porte et entrèrent. L’odeur des frites industrielles les assaillirent, les prenant à la gorge, leur donnant encore plus faim. Ryûzaki sentit son ventre protester. Mais il allait encore devoir patienter, car la file d’attente était longue.. Sûrement moins qu’elle ne l’aurait été un peu plus tôt dans la journée, mais longue quand même. Le fast-food était plein de monde. D’habitude, notre japonais aurait pris la fuite devant tant de population – n’oublions pas qu’il est d’ordinaire agoraphobe. Mais cette fois, il n’en fit rien. Non. Il avait le sourire, au contraire. Parce que la jeune fille avec qui il était lui faisait oublier tout le reste. Il en oubliait même le regard des autres, et son propre regard envers lui-même. Il avait l’impression d’être comme enfermé dans une bulle, dans un monde magique où tout est parfait. Et il savait que personne ne pouvait passer à travers la paroi qui les enveloppait à présent, alors il était rassuré. Emi le rassurait, par sa simple présence. Elle était la seule à pouvoir l’atteindre, maintenant. Elle pouvait faire ce qu’elle voulait de lui. Il lui faisait confiance. Il la connaissait à peine, et pourtant il aurait été près à mettre sa vie entre ses mains, si elle le lui avait demandé.

Ryûzaki observait sa merveilleuse compagnie d’un œil attendri. La jeune Nakata regardait tout autour d’eux, et il avait l’impression qu’elle pensait exactement les mêmes choses que lui. Ca se voyait dans son regard. Peut-être nos deux amis n’étaient-ils pas si différents, après tout ? Le brun ne pouvait plus détacher ses yeux d’Emi. En ce même instant, elle souriait. Quel air d’ange ce magnifique sourire lui donnait..

« C'est marrant regarder les gens, parfois ils sont eux-même entrain de nous dévisager et ils en sont très gênés lorsqu'ils s'y font prendre... Pourquoi en être gêné? Je veux dire, je te regarde bien.. et ce n'est pas un crime! Les gens sont bien spéciaux parfois. Je ne les comprendrai probablement jamais..
- Alors on est deux ! Heureusement que ce n’est pas un crime, de regarder quelqu’un. Sinon tu serais morte depuis longtemps, et sans toi je n’ose même pas imaginer ma vie. Alors si, en plus, c’est moi qui te tuais.. Non, je préfère ne pas y penser. »

Il sourit tout en fermant les yeux, l’espace de quelques secondes. Il se sentait un peu stupide d’avoir dit ça si légèrement, parce qu’en fait, le sens de ses paroles était profond. Il espérait qu’Emi n’allait pas le prendre mal, mais il était sûr qu’elle comprendrait. Comme toujours.

En regardant curieusement autour d’eux, Ryûzaki se rendit compte que pas mal de gens avaient, en effet, le regard posé sur eux. Et bien quoi ; qu’y avait-il ? Ils étaient juste entrain de faire la queue dans un fast-food, rien de plus quoi.. Peut-être était-ce uniquement parce qu’ils venaient d’entrer dans le snack ? Ou peut-être parce que le bonheur qu’ils dégageaient à être ensemble, était contagieux. Mais qu’est-ce qu’on s’en fou ! Peut importait ce que toute cette populace pensait d’eux, l’important était juste qu’elle les regarde. Pour une fois, le brun aimait bien sentir tous ces yeux indiscrets posés sur lui. Il n’avait pas l’impression de crouler dessous, non. Il se sentait toujours aussi bien, léger, heureux. Quoi de plus important ? Il sentit alors un poids contre son épaule. Emi venait d’y poser délicatement sa tête. Ryûzaki eut un sourire encore plus rayonnant qu’avant. Ce contact était magique, il l’adorait vraiment. Tout comme il adorait la jeune Nakata. Il la regarda de ses centimètres en plus ; elle était mignonne, là, blottie contre lui. Comme toujours. Le brun se demanda combien de fois il avait bien penser cela.

Les minutes passèrent, jusqu’à ce que la file d’attente s’amincisse, pour enfin les laisser prendre commande. Un serveur les interpella, leur demandant de passer commande. Emi sembla comme tirée de ses rêveries, prise au dépourvu. Sans doute n’avait-elle pas pensé à ce qu’elle allait prendre. Et d’ailleurs, c’est la même pour Ryûzaki. Mais il aimait tout, du moment que ça se mangeait, alors.. La jeune coréenne jeta un rapide coup d’œil aux écriteaux, et passa sûrement commande de la première chose qu’elle put y lire. Elle bafouilla, visiblement gênée. Notre japonais s’adressa alors au serveur.

« La même chose, s’il vous plaît. »

Il observa consciencieusement l’employé du snack s’éloigner pour aller chercher leur demande, puis il regarda de nouveau Emi. Il lui sourit une fois de plus, sereinement. Il voulait la rassurer, et c’était en partie pour cela qu’il avait demandé la même chose qu’elle – sans compter le fait qu’il n’avait pas réfléchi à sa commande avant, et celui qu’il s’en fichait, en fin de compte. Mais le serveur revint les mains vides, se pencha par dessus son guichet et les interpella :

« Sur place ou à emporter ? »

Ryûzaki regarda Emi, l’interrogeant du regard. Il est vrai qu’au début, il voulait manger ailleurs, mais maintenant qu’il était dans le fast-food, il se sentait bien, alors cela ne le gênait pas de rester. De plus, une table venait de se libérer, près de la fenêtre. Le brun s’en remit donc à la coréenne :

« C’est comme tu veux. »

- Alors on est deux ! Heureusement que ce n’est pas un crime, de regarder quelqu’un. Sinon tu serais morte depuis longtemps, et sans toi je n’ose même pas imaginer ma vie. Alors si, en plus, c’est moi qui te tuais.. Non, je préfère ne pas y penser. »

Emi avait pris la peine de bien penser avant de lui répondre, car elle avait du d'abord faire sa commande, puis ensuite analyser un peu ce que son ami venait de lui dire. Ça la touchait énormément ces paroles si profondes et légères à la fois. Elle ne savait trop comment les interpréter, mais elle les prit bien. Son sourire s'élargit de plus belle lorsqu'elle vit Ryûzaki qui prenait la même chose qu'elle. Peut-être avait-il fait cela parce qu'il aimait cela, ou encore parce qu'il avait vu son petit malaise lorsqu'était venu le temps de dire ce qu'elle voulait.. Peu importait, ça lui faisait chaud au coeur. Elle souriait beaucoup, tellement qu'elle se dit qu'elle devait avoir l'air stupide. Elle attendait un peu, se disant que ça ne dérangerait pas au brun qui l'accompagnait d'attendre sa réponse quelques instants. Puis, une dame leur demanda sur place ou emporter ?

« C’est comme tu veux. »

Elle n'y voyait aucun inconvénient dans les 2 cas. D'un côté, elle adorait être seule avec le japonais. C'est comme s'ils étaient vraiment seuls au monde et elle en était très heureuse. Mais d'un autre, ou iraient-ils? Et la bouffe allait refroidir plus rapidement dehors.. Après tout, n'étaient-ils pas dans leur petite bulle quand même au milieu de tous ces gens? Emi se sentait forte, pour une fois. Elle devait donc en profiter et se dire que tous ces gens ne l'intimidaient pas du tout.

Elle tenta de voir dans les yeux de son ami ce que lui voulait au fond de lui, mais elle ne vit rien. Il semblait vouloir qu'elle choisisse.. Elle ne put s'attarder trop longtemps sur ses pours et contres, car la file derrière allait s'impatienter. C'est alors qu'elle se dit qu'elle avait vraiment faim, attendre jusqu'à dehors serait un peu pénible pour son petit estomac.

« On pourrait rester sur place, la nourriture sera plus chaude longtemps et une table s'est libérée il y a quelques secondes.. »

Elle avait presque murmuré ses paroles, comme une question sans point d'interrogation. Du coup, elle se demanda ce que lui aurait préféré. Elle se dit qu'il lui en ferait part s'il n'aimait pas son choix. En tout cas, il n'en fit rien. Arrivés à leur table, elle le regardait ouvrir son repas. Il avait l'air d'un enfant, mais un bel enfant. Vous savez le genre de petit garçon angélique qu'on veut tous avoir? Et bien il lui faisait penser à cela. Amusée, la coréenne souriait en ouvrant à son tour tout cela.

« Tu sais, pour ce que tu as dit tout à l'heure.. Je tiens à te dire que tu m'es très cher Ryûzaki. J'ai que trop rarement ressentie le bonheur que j'ai depuis ce matin, et de l'avoir trouvé en te trouvant toi, ce n'est pas pour me déplaire. »

Elle avait dit cela doucement comme une brise qui caresse notre visage en plein hiver. Elle prit alors une bouchée toute heureuse de cette rencontre. Elle ne croyait pas que ça existait, le bonheur. Pourtant, elle en avait la preuve depuis le matin. Combien de fois allait-elle se le répéter avant de vraiment comprendre que ça ne pouvait s'expliquer? Elle aimait beaucoup ce jeune homme. En fait, aucune personne ne lui avait fait ressentir de sentiment si puissant auparavant. Étrangement, elle n'en était pas surprise plus que cela, car il est vrai qu'il avait tout pour lui plaire à elle. À ses yeux, il était mieux qu'un simple homme et mieux qu'un Dieu, puisqu'il existait là sous ses yeux. Elle se demandait ce qu'ils feraient après cette journée, mais elle écartait l'idée de ne plus le revoir. Après tout, il semblait ressentir quelque chose de similaire à elle, enfin elle esperait bien.

« J'allais oublier, bon appétit! »

Elle avait dit cela à la manière d'un enfant qui se sent coupable d'avoir oublier de dire ou de faire quelque chose de très important. Les bonnes manières, elle se doit de les conserver même en présence d'un homme si merveilleux. En fait, surtout en sa présence, devrais-je dire. Elle sourit, satisfaite de ce qu'elle avait sous la dent et continua à manger.

« On pourrait rester sur place, la nourriture sera plus chaude longtemps et une table s'est libérée il y a quelques secondes..
- Oui, c’est parfait. Je me disais exactement la même chose. »

Il regarda son amie et lui sourit, lui montrant ainsi que ce qu’elle avait avancé lui convenait parfaitement. Puis, le serveur alla chercher leur plateau et le leur remit. Ryûzaki paya seul, comme finalement convenu. C’était la première fois qu’il aimait dépenser de l’argent. Vraiment. Ca lui faisait infiniment plaisir d’offrir ce repas – si on peut appeler ça comme ça – à la jeune lycéenne. Les moments qu’ils passaient, et qu’ils allaient passer ensemble valaient bien plus que tout l’or du monde, de toute façon. Le brun, serein, attrapa leur plateau et avança vers la table dont ils avaient parlé. On aurait dit qu’elle s’était libérée rien que pour eux. Comme un cadeau tombé du ciel. Elle était parfaite. Ni trop proche des autres gens, ni trop loin. Juste à côté de la baie vitrée. Dehors, les nuages avaient blanchi, le soleil avait un peu tourné, mais il faisait toujours beau. D’habitude, ce genre de lumière est agressive pour les yeux sensibles des humains. Mais pas cette fois. Elle était douce, et représentait bien l’hiver qui venait tout juste de s’installer à Yamaguchi. L’hiver. La saison préférée de Ryûzaki. Et bien qu’il n’ait jamais eu ce petit plaisir de fabriquer un bonhomme de neige, le matin de Noël, dehors avec ses amis, il adorait ces millions de petits flocons si froids qui tombaient en désordre du ciel. Quand on tendait la main et que l’un d’eux y tombait, il fondait presque automatiquement. Tout comme Emi avait indéniablement fait fondre la glace, autour de notre japonais.

Ils s’installèrent donc, l’un en face de l’autre, à cette table prévue pour deux personnes. La table idéale, je vous dis ! Ryûzaki attrapa son propre sandwich et le sortir maladroitement de sa boîte. On aurait dit un enfant de cinq ans qui a très faim, et qui s’empresse de dénicher son repas pour croquer à pleines dents dans ce pain délicieux. Mais même si il en foutait à moitié partout, il en restait infiniment mignon. De toute façon, je crois qu’il aurait pu faire n’importe quelle bêtise, son auréole serait quand même restée au dessus de sa tête. Une auréole qu’il mérite bien, et dont il n’était pas encore conscient, d’ailleurs. Devant cette scène délicate, la jolie Nakata semblait amusée. Un magnifique sourire illuminait son visage. Et elle décacheta l’emballage, à son tour, mais beaucoup plus proprement. D’ailleurs, Ryûzaki avait un peu honte de lui, et ses joues avaient un peu rosi. Il n’y pouvait rien.. Quand il avait faim, on ne pouvait plus l’arrêter. Et encore, là il essaye de se contrôler. Alors imaginez si ce n’est pas le cas.. Ou pas. Non, n’imaginez pas, en fait. C’est beaucoup mieux pour vous.

« Tu sais, pour ce que tu as dit tout à l'heure.. Je tiens à te dire que tu m'es très cher Ryûzaki. J'ai que trop rarement ressentie le bonheur que j'ai depuis ce matin, et de l'avoir trouvé en te trouvant toi, ce n'est pas pour me déplaire. »

Ces paroles eurent le don de le faire rougir un peu plus encore. Ca le touchait, vraiment. Ce qu’elle disait. C’était simple, mais beau. Et si c’était beau, c’était parce qu’elle pensait réellement ses dires. En même temps, pour Ryûzaki.. De tels mots qui lui étaient adressés.. C’était une première fois. Il avait le sentiment que tout ce qu’il pourrait répondre n’aurait aucun sens, devant ces paroles si claires et si parfaites qu’étaient celles d’Emi. Décidément, il adorait vraiment tout, chez l’adolescente. Malgré ses pensées, il tenta tout de même une réponse convenable. Tant que ça la touchait aussi, c’était le principal. Et ça avait l’air d’être le cas.

« Toi aussi, tu m’es chère, Emi. Moi, c’est la première fois que je me sens ainsi. Si bien. Comme si j’étais.. sur un petit nuage. Mais je n’y suis pas seul. Tu es là. Et j’espère que tu resteras longtemps avec moi. Le paysage est magique, de là-haut ! »

Il parlait par métaphores, bien sûr. Mais il estimait que c’était plutôt explicite, par rapport à ce qu’il s’était imaginé. En fait, il disait ce qui lui venait à l’esprit, sans trop y réfléchir. Il ne voulait pas réfléchir. Il voulait juste vivre l’instant présent. Et en ce même instant, la demoiselle venait de croquer dans son sandwich. Elle avait l’air comblée, tout comme Ryûzaki. Celui-ci s’autorisa enfin à prendre une bouchée de son repas, ne pouvant de toute façon pas se retenir plus longtemps. Cette odeur alléchante qui lui chatouillait les narines.. C’en était trop.

« J'allais oublier, bon appétit!
- Oh, oui, excuses ! Bon appétit ! »

Il attrapa une frite et l’engloutit d’une traite, l’air de rien. À les regarder, comme un spectateur assistant à la scène, on aurait vraiment dit deux enfants dans l’âme. Trop mignons ! Ryûzaki mangea un peu plus de frites. Elles étaient parfaites. Ce moment l’était. Emi l’était.

Il reprit son hamburger, et allait l’attaquer à nouveau, quand il se stoppa en plein mouvement. Son regard avait été attiré par le paysage, dehors. C’est alors qu’il les vit. De minuscules petits flocons de neige tout blancs, qui tombaient comme des poussières.. « All we are is dust in the wind », se rappela t-il. Ses yeux se remplirent d'étoiles, son regard devenant vif, plus enfantin que jamais. Et il eut envie de rire, mais se contenta de s'exclamer joyeusement :

« Regarde dehors ! Il neige ! »

C’était magnifique. C’était parfait. C’était.. tout simplement indescriptible.

« Toi aussi, tu m’es chère, Emi. Moi, c’est la première fois que je me sens ainsi. Si bien. Comme si j’étais.. sur un petit nuage. Mais je n’y suis pas seul. Tu es là. Et j’espère que tu resteras longtemps avec moi. Le paysage est magique, de là-haut ! »

Ces mots trottaients dans la tête de la jeune fille. Elle en était beaucoup émue, car il était trop rare que quelqu'un tienne autant à sa petite personne. Ils étaient bel et bien sur un nuage de paix, de bonheur, mais comment ne pas en avoir le vertige? C'était une sensation si merveilleuse qu'elle n'aurait pu s'en passer. C'était pire qu'une drogue, elle voulait que ça soit pour toujours. Elle mangeait tranquillement en admirant le regard enfantin de Ryûzaki. Il était mignon là, à manger comme si sa vie en dépendait. Il lui faisait penser à un petit animal qu'on a tellement envie de prendre soin, de calinner tout les jours.. Cette pensée la fit sourire. Elle était dans ce petit fast food à partager un repas avec un homme dont elle ne savait même pas l'existence quelques heures plus tôt, et la voilà qui le comparait à un animal. Non mais c'était rien de bestial, plutôt une qualité venant de la jeune lycéenne.

Ils s'étaient souhaiter bon appétit, comme elle le faisait à toutes les fois qu'elle mangeait avec quelqu'un, c'est-à-dire assez rarement. Son repas était vraiment bon, enfin son semblant de repas. Elle adorait le fast food et ne pouvait s'en cacher. Heureusement, elle n'était pas trop porter à grossir chaque fois qu'elle ingurgitait un de ses repas pour emporter. Sinon, cela ferait un bail qu'elle serait un peu plus en chair disons. Elle savourait chaque bouchée de saveur en se disant que ça c'était un repas pas comme les autres. Elle le mangeait avec quelqu'un qu'elle aimait vraiment beaucoup, quelqu'un qui venait de changer sa vision des choses. Elle acceptait enfin le bonheur, et ça lui faisait chaud au coeur de penser que le beau brun faisait de même.

« Regarde dehors ! Il neige ! »

Emi se retourna vivement et contempla le paysage si joli, si féérique. Elle ne put s'empêcher de rire tel une petite fille qui croit encore au papa Noel. La vision blanche qu'elle avait était tellement magnifique qu'elle ne put faire autrement que de sentir son coeur battre encore plus fort. Elle adorait la neige, c'était si beau. De plus, elle avait toujours trouver cela propice à toutes sortes d'émotions et de situations. Il y a pour les enfants les bonhommes de neiges et les glissades entre amis qui restent ensuite graver dans leur petite mémoire. Si on est triste, le froid mordant vient toujours nous rappeler qu'il fait un peu plus froid dans le coeur de quelqu'un d'autre et qu'on ne peut que se réchauffer et espérer un état d'esprit meilleur. Aussi, ça donne toujours une bonne raison aux amoureux de se coller un peu plus sans être jugés par les autres... Définitivement, elle adorait la neige.

« C'est vraiment magnifiquement beau. J'ai toujours trouvé les averses de neige superbes, mais celle-ci est meilleur encore. »

Elle s'était retournée vers son ami en disant cela. Il souriait de son beau sourire tout en l'écoutant. Elle aussi souriait innocement. Elle trouvait cette journée simplement parfaite. Tout d'abord la musique, sa rencontre, la neige.. tout était pour lui plaire.

C'est par contre avec beaucoup de lourdeur au coeur qu'elle prit conscience que son repas était terminé. Elle ne voulait pas quitter son ami. Juste l'idée de partir quelques minutes loin de lui ne la rassurait point. Malheureusement, cela arriverait bien un jour. Il avait sa vie, et elle la sienne. Pourtant, elle ne voulait pas croire qu'ils s'étaient croiser sans possibilité de rester sur le même chemin. C'était tout simplement impossible puisqu'elle ne s'était jamais sentie aussi bien en compagnie de quelqu'un auparavant.

« Merci beaucoup pour le repas, c'était délicieux et je t'en suis très reconnaissante. C'est dommage qu'il soit déjà terminé, j'aimerais bien passé encore beaucoup de temps avec toi, mais je ne veux pas non plus prendre tout ton temps. Après tout, tu dois bien avoir autre chose à faire que d'être avec une petite lycèenne je suppose... »

Elle avait un peu de mélancolie dans sa voix, sans trop savoir pourquoi. Était-ce vraiment terminé? Elle espérait que non. C'est avec impatience qu'elle attendait la réponse de son ami.

« Regarde dehors ! Il neige ! »

À ces mots, la jeune fille se retourna brusquement, visiblement pressée d’apercevoir la pluie de particules blanches qui dominait à présent le ciel, se faisant de plus en plus dense. À travers la vitre, elle contempla le paysage, que la neige donnait l’impression d’être embrumé. On aurait pu croire que le soir tombait déjà, car la luminosité avait nettement baissé, mais ce n’était pourtant pas le cas. Il ne devait pas être loin de quatorze heures, selon l’estimation de Ryûzaki. Celui-ci imita son amie, regardant aussi par la fenêtre, de son regard totalement émerveillé. Enfantin. Comme si c’était la première fois de sa vie qu’il voyait un tel spectacle, une telle magnificence qui aurait semblé banale à n’importe qui. Sauf à Emi. Sa présence renforçait encore la beauté, la perfection de l’instant que les deux asiatiques vivaient.

« C'est vraiment magnifiquement beau. J'ai toujours trouvé les averses de neige superbes, mais celle-ci est meilleur encore. »

Ce qu’elle venait de dire était peut-être une preuve qu’elle appréciait tout particulièrement la compagnie du brun. Ou peut-être était-ce une illusion de la part de celui-ci, mais il ne pensait vraiment pas que ça soit le cas. Il le devinait d’après les paroles d’Emi, ses expressions, son sourire, cette aura de bonheur qu’elle dégageait en permanence. Et il ne voulait plus la quitter, parce qu’elle était synonyme de son propre bonheur. Peut-être leurs deux caractères, leurs deux personnalités se complétaient-elles ? Ils étaient maintenant enfermés dans la même bulle, dans le même monde merveilleux, et Ryûzaki avait le sentiment qu’il ne pourrait plus jamais sourire sans la jeune coréenne à ses côtés. Intérieurement, et inconsciemment, il se promit : « Jamais l’un sans l’autre. »

Le bel asiatique se pourlécha les babines, enlevant le surplus de sauce qui s’était déposé sur ses douces lèvres replètes. Il attrapa sa dernière frite et l’avala sans états d’âme : le repas était terminé. Il constata le plateau vidé, ainsi que la mine déconfite de sa jeune amie. Pensait-elle réellement qu’il voulait se détacher d’elle ? Non. Si cela avait été possible, il l’aurait attachée à lui avec le lien le plus solide qui puisse exister. Pour être sûr de pouvoir partager d’autres moments comme celui-là avec elle. Peut-être ce lien était-il leur amitié si improbable ? On dit que c’est très fort, mais aussi si facile à briser.. Pourtant Ryûzaki sentait que leur relation était faite pour durer. Il donnerait tout pour cela.

« Merci beaucoup pour le repas, c'était délicieux et je t'en suis très reconnaissante. C'est dommage qu'il soit déjà terminé, j'aimerais bien passé encore beaucoup de temps avec toi, mais je ne veux pas non plus prendre tout ton temps. Après tout, tu dois bien avoir autre chose à faire que d'être avec une petite lycéenne, je suppose... »

C’était tout simplement trop mignon. A-do-ra-ble. Ryûzaki eut un sourire amusé, suite à ces douces paroles. Pour Emi, cela ne devait pas être drôle. Mais pour lui, ça l’était, car il savait qu’être avec cette petite lycéenne était ce qu’il désirait le plus au monde. Et il voulait rassurer son amie, le lui faire gentiment comprendre. Surtout ne pas la brusquer, encore moins la blesser. Le reste était permis.

« De rien, c’était tout simplement génial. Ca m’a fait très plaisir de t’inviter, ce midi, tu sais… Et c’est passé vite, c’est vrai. Mais on a encore toute l’après-midi, non ? Pourquoi ne pas profiter de la neige ensemble ? Maintenant, ce que je désire plus que tout, c’est passer du temps avec toi, petite lycéenne. Parce que je t’adore ! »

Il sourit ; il se leva, poussant sa chaise pour s’en dégager, doucement, sans bruit. Pendant ce geste à moitié suspendu, il regarda Emi dans les yeux, et la demoiselle le suivit du regard, restée assise à la table. Ryûzaki attrapa habilement le plateau d’une main, fourra les déchets dans une poubelle à disposition, et revint vers son amie. Non, non, il ne l’avait pas plantée là, et cette idée n’avait même pas traversé sa petite tête. Pas une seule fois, depuis qu’il avait croisé son chemin. Attendri devant cette demoiselle à moitié triste, il s’arrêta pour la regarder plus longuement, cette fois. Et ce n’est qu’à cet instant qu’il s’en rendit vraiment compte ; il avait une chance inouïe de la connaître. Cet ange dénommé Emi Nakata. Son ange. Il lui prit la main et la releva délicatement, un sourire figé aux lèvres.

Ils restèrent là, l’espace d’une seconde, qui sembla durer une éternité. Les gens les bousculaient, parlaient autour d’eux, sans même leur prêter attention. C’était comme un décor qui ne pouvait plus les atteindre. Pour Ryûzaki, il n’y avait plus qu’Emi. Elle était la seule à exister. La seule qu’il distinguait, et il se moquait complètement du reste. Il lui lança alors :

« Tu m’suis ? »

Et, la tirant doucement par la main, il l’entraîna rapidement vers la sortie du fast-food. Il poussa la porte vitrée, et ça y’était. Ils y étaient. Au beau milieu de toutes ces particules blanches qui virevoltaient dans tous les sens, imprévisiblement. C’était magique. En plus de cela, comme il faisait froid, il n’y avait presque personne dehors. Ryûzaki voulait être seul, mais seul avec Emi. Il s’arrêta le long du snack, et observa la traînée blanche que sa respiration laissait dans l’atmosphère. Et il rit. Il rit, tellement il se sentait bien. La neige était tombée tellement vite, qu’il y en avait déjà une bonne couche sur le sol. Notre nippon avait envie de s’y jeter, de s’allonger par terre, pour y dessiner un ange. Comme un enfant, qu’il était resté, au fond. Il n’y avait qu’à voir son regard pétillant devant toute cette neige, cette admiration, cet émerveillement qu’il n’avait pourtant jamais ressenti auparavant.

Il ne se rappelait pas avoir déjà dessiné un ange, sur le sol. Pourtant, tous les enfants font ça. Ce stéréotype, le lendemain de Noël, se jeter dans le blanc de l’hiver, avec ses amis, des rires qui résonnent, fabriquer un bonhomme de neige, y planter une pipe et une carotte, lui mettre une écharpe et des gants, pour le voir fondre tristement un jour plus tard. Non, Ryûzaki n’avait jamais vécu tout cela. Même une bataille de boules de neige en famille, il n’en avait jamais faite. Pour la bonne et simple raison qu’il n’avait pas de famille. Mais il n’est jamais trop tard, n’est-ce pas ? Toutes ces choses qu’il avait manqué, il aurait voulu les faire avec Emi. Toutes ces choses enfantines qui lui tenaient tant à cœur.. Mais il n’osait pas encore faire ce dont il avait envie, au risque de passer pour un fou. Il se contenta de regarder les flocons tomber, avec un immense sourire débordant de bonheur aux lèvres.

« C’est superbe, tu ne trouves pas ? J’adore l’hiver. À vrai dire, c’est ma saison préférée ! »

« De rien, c’était tout simplement génial. Ca m’a fait très plaisir de t’inviter, ce midi, tu sais… Et c’est passé vite, c’est vrai. Mais on a encore toute l’après-midi, non ? Pourquoi ne pas profiter de la neige ensemble ? Maintenant, ce que je désire plus que tout, c’est passer du temps avec toi, petite lycéenne. Parce que je t’adore ! »

À ces mots, la jeune fille ne put s'empêcher d'afficher un grand sourire rempli de joie. Ryûzaki ne semblait pas embêté du tout de sa présence, et elle en était sincèrement très heureuse. Les quelques heures passées avec le nippon étaient étonnament dans les plus belles de la petite vie de la lycéenne. Elle souhaitait elle aussi passer le reste de l'après-midi, voire même tout le reste de sa petite vie, à ses côtés. Pendant quelques secondes, qui semblaient suspendues dans le temps, les 2 jeunes gens se regardaient l'un l'autre sans mot. Malgré les bousculades et les voix des autres clients du fast food, ce fut un moment hors du commun pour la petite coréenne. Elle le regardait avec insistance, il était si beau. Elle souriait en se disant qu'elle était probablement accompagnée du plus bel homme du resto, mais chassa vite cette idée se disant que c'était déplacé de penser de telles choses. Gênée, elle rougit, même si au fond, elle savait très bien que son ami ne pouvait savoir ce à quoi elle avait oser penser.

« Tu m’suis ? »

Quelle question! Bien sûr qu'elle allait le suivre. D'ailleurs, qu'est-ce qu'elle attendait? Une main la tira gentillement de ses pensées en l'attirant vers la sortie. Il n'avait pas été brusque dans son mouvement et ça avait plu à la jeune fille qu'il l'amène dehors. Une fois à l'extérieur, un paysage magnifique apparut aux yeux d'Emi. C'était paisible, ça sentait l'hiver, la neige lui chatouillait les narines. Tout était parfait, ils étaient quasiment seuls et ça plaisait à Emi. Elle aimait bien cette saison qui venait de débuter. Les sorties au froid, la neige féérique, les câlins pour se réchauffer, les joues rougies par la température, tout était merveilleux à propos de ce temps de l'année. Mais cette fois-ci, c'était encore mieux, le sentiment qu'elle ressentait lui était si nouveau, mais elle ne voulait pas qu'il la quitte. Bien, c'était le mot.

À nouveau, la jeune Nakata retomba dans ses songes les plus précieux. Elle se remémora ses plus beaux souvenirs face à l'hiver. Enfant, elle adorait se jeter par terre dans la neige. Dessiner un ange ou bâtir des forts figuraient dans ses activités préférées. Qu'est-ce qui les avaient fait disparaître au fait? Elle n'en savait absolument rien. Tout ce dont elle se rappelait, c'est qu'un bon jour, tout était terminé. Sa relation autrefois si belle face au doux froid de la neige avait disparu avec tout ce qui vient avec. Pourtant, ce jour-là, elle eut une grande envie de tout se remettre à faire ces trucs enfantins. Peut-être serait-elle jugée pour ces gestes, peut-être pas. Mais finalement, qu'est-ce qu'elle en avait vraiment à faire? Les autres étaients toujours là pour juger et pour freiner nos plus folles envies. Il y a des moments ou il est préférables de ne rien faire, mais cette fois-ci, Emi sentait qu'elle pourrait faire n'importe quoi. Le monde lui apartenait car un ange l'accompagnait.

« C’est superbe, tu ne trouves pas ? J’adore l’hiver. À vrai dire, c’est ma saison préférée ! »

Encore une fois, le bel ange asiatique l'avait sortie de ses pensées les plus profondes. Habituellement, elle en veut aux gens qui osent faire cela, mais cet homme la rendait joyeuse et elle en était même reconnaissante. Il ne fallait pas qu'elle rate un instant passé ensemble car elle les adorait vraiment tous. Il avait sourit à ces paroles. La coréenne tenta de déchiffrer ce que les yeux de Ryûzaki voulaient dire. Ils semblaient refléter une espèce de nostalgie étrange, mêlée au bonheur. C'était spécial à regarder, mais elle se dit qu'il devait probablement ressentir ce qu'elle-même ressentait. C'était sa saison préférée, ce qui rassura la jeune fille. Comme ça, il ne la jugera peut-être pas trop...

« Oui, c'est magnifique! Un peu comme toi.. Mhh, aller, viens! »

Puis, la jeune fille prit la main doucement du jeune homme et se mit à courir dans la neige. Elle sentait l'air froid pénétrer dans ses poumons, quel sentiment de liberté c'était! Un rire cristallin s'échappa de ses lèvres entrouvertes. Après quelques minutes, elle s'étendit par terre, sans avertir. Elle n'était pas vraiment habillée adéquatement pour cela, mais elle se dit que ça en valait quand même la peine.

« J'adore vraiment la neige. Presqu'autant que la musique. D'ailleurs, ne t'en fait pas, ma guitare je l'ai laissée au resto, mais je connais la place, j'irai la reprendre plus tard. Ouais.. cette journée est encore plus parfaite qu'au début. Tu ne peux imaginer combien je suis bien en ce moment, Ryûzaki. »

Un doux sourire s'affichait sur ses lèvres lorsqu'elle finit de dire ces quelques mots. Elle ferma les paupières et débuta un ange. Elle voulait qu'il soit aussi parfait que celui qui la regardait à l'instant même.

Emi, embêter notre bel et sombre asiatique ? Non. Absolument pas. Et bien au contraire; la compagnie de la jeune coréenne était plus qu'appréciable. Elle était exceptionnelle. Ryûzaki aurait pu passer des minutes, des heures, des jours, des mois ou même des années à contempler le regard de la brune, il ne s'en serait jamais lassé. On ne se lasse pas de la personne qui vous offre une vie, soyez-en bien conscient. Oui, c'était ainsi que notre nippon voyait les choses. Lui, le bizarre et ténébreux garçon, promis à l'enfer selon lui, avait en l'espace d'une journée rencontré un ange. Un ange qui avait dès lors illuminé sa vie. Mieux; un ange qui lui avait donné envie de vivre. Et cela, Ryûzaki lui en serait toujours infiniment reconnaissant. Il devait lui rendre la monnaie de sa pièce, si minable serait cette monnaie. Alors il se promettait un peu plus à chaque seconde qu'il ne la quitterai plus jamais. Qu'il ne la laisserait sous aucun prétexte sortir de la vie qu'elle lui avait offerte. Leur histoire n'aurait donc pas de fin. Il ne fallait pas qu'elle ait une fin. Il ne fallait pas que ce moment finisse, non. Il fallait qu'il dure aussi longtemps que l'éternité. Ryûzaki avait besoin d'Emi, comme un poisson a besoin d'eau. Sans elle, il reprendrait peur, il s'enfuirait de nouveau, il suffoquerait dans ce monde affreux baigné des regards haineux des humains qui le composent. Il avait besoin de sentir ses yeux plongés dans les siens, il avait besoin de voir ce sourire angélique, ces joues rosirent, ce bonheur s'épanouir tel une fleur après la mauvaise saison.

Une fois dehors, tout changea. Le froid les saisit à la gorge, mais peu importait. Parce que le paysage enneigé était infiniment beau. Nos deux amis pouvaient à présent respirer la liberté à pleins poumons, et ils ne s'en privèrent surtout pas. Emi avait l'air bien, là. Elle regardait la couleur du blanc des flocons, et semblait y voir tout autre chose. Comme si des images défilaient devant ses yeux. Des souvenirs d'enfant, des éclats du passé qui resurgissaient pour lui rappeler à quel point le bon vieux temps pouvait lui manquer. Etait-elle nostalgique ? Avait-elle des regrets, des remords ? Ryûzaki n'avait, lui, aucun souvenir à ressasser. Et c'était peut-être pire, finalement. Mais en tout cas, Emi n'avait pas cessé de sourire, et ça le rassurait. Avait-elle envie de se jeter dans la neige, tout comme il aurait tant voulu le faire ? Il était un peu intimidé. Pour quoi passerait-il, si il agissait comme un enfant dans la neige ? En plus, il ne savait pas vraiment ce qu'il fallait faire : il ne l'avait pas vécu, cette situation. Mieux vaut tard que jamais, non ? Il regarda Emi, et une lueur s'était allumée au fin fond de son regard. Une lueur de malice, de bonheur, comme si la neige avait été un véritable trésor à ses yeux. À travers cette lueur enfantine, notre japonais compris qu'elle avait la même envie que lui. Il se sentit soulagé, comblé. Ils se comprenaient si bien, tous les deux...

« C’est superbe, tu ne trouves pas ? J’adore l’hiver. À vrai dire, c’est ma saison préférée !
- Oui, c'est magnifique ! Un peu comme toi... Mhh, aller, viens ! »

Un peu comme lui ? Ce fut au tour de Ryûzaki de rosir légèrement. Elle trouvait même le moyen de lui faire des compliments... Leur relation allait bientôt dépasser la perfection. C'était comme dans un rêve, tellement c'était... irréellement parfait. Ryûzaki n'avait même pas le temps de s'apercevoir à quel point le moment qu'il vivait était beau. Il avait peur de faire quelque chose de travers; quelque chose qui changerait cette magnificence. Mais il n'y réfléchissait pas trop. Il sentait juste son cœur déborder d'émotions, et se laissait aller, se laissait guider par l'instant présent dont il voulait profiter au maximum. Le lendemain matin, il ne voulait pas se réveiller en se disant : "ça aurait pu être mieux". Non, surtout pas. De toute façon, Emi avait déjà enlacé la main de Ryûzaki de ses doigts fins et délicats. Puis elle l'entrainait, courant dans la neige, se laissant doucement décoiffer par la brise gelée qui pénétrait tout; vêtements et poumons, ciel et terre, corps et âme. Il n'y avait qu'une chose que le vent ne pouvait pas refroidir : le bonheur commun des deux amis qui couraient main dans la main à travers les flocons d'une neige pure et agréable. Ils s'éloignèrent un peu du fast-food et des pollutions de la ville, semant des rires heureux aux quatre coins des vents. Des rires cristallins. Des rires d'enfant qui résonnaient agréablement dans l'espace et dans le temps, dans leurs têtes et dans leurs cœurs. À l'infinie perfection, et jusqu'à l'horizon.

Emi s'arrêta au milieu d'une étendue blanche et déserte. En l'espace de quelques secondes à peine, leurs pieds s'étaient déjà un peu enfoncés dans la neige qui recouvrait tout autour d'eux. Puis, l'adolescente se jeta par terre, sans prévenir. Ryûzaki l'imita sans hésiter une seule seconde. Enfin, il goûtait vraiment au plaisir hivernal.

« J'adore vraiment la neige. Presqu'autant que la musique. D'ailleurs, ne t'en fais pas, ma guitare je l'ai laissée au resto, mais je connais la place, j'irai la reprendre plus tard. Ouais... cette journée est encore plus parfaite qu'au début. Tu ne peux imaginer combien je suis bien en ce moment, Ryûzaki. »

Il ne répondit pas. Il n'avait rien à répondre, si ce n'était un sourire sincère et adorable. Elle avait tout dit, c'était comme si elle avait parlé pour lui en même temps. En effet, Ryûzaki aussi était bien. Plus que bien. Tellement bien que lui non plus ne parvenait pas à imaginer à quel point. Emi sourit aussi, ferma les yeux, et commença à agiter gracieusement bras et jambes. Un ange se formait peu à peu autour d'elle, à son image. Le brun se coucha complètement contre le froid qui ne pouvait plus l'atteindre, à côté d'elle, et imita son amie. Un doux rire lui échappa. Enfin, il connaissait ce sentiment, de tracer un ange dans la neige. Enfin, il aurait un souvenir heureux à se remémorer lorsqu'il verrait de nouveau les flocon tomber. Il ferma aussi les yeux, et espéra que cet instant dure éternellement.

Finalement, ce ne fut pas le cas. Quelques minutes plus tard (ou peut-être quelques heures ?), Ryûzaki se redressa, Emi en même temps que lui. Ils se levèrent et s'écartèrent, observant leurs deux anges sur le sol. On avait l'impression qu'ils se tenaient la main. Alors, le jeune nippon se rapprocha insensiblement de la coréenne, et glissa ses doigts entre ceux de la belle. Il serrait doucement sa main, comme pour s'assurer qu'elle était toujours là, bien réelle, debout à côté de lui. Puis, il tourna la tête vers elle et se laissa submerger par son regard, une fois de plus...

Quelques instants après s'être étendus sur la douce neige, les deux jeunes gens se redressèrent afin de regarder leurs anges. Ils étaient beaux, et semblaient refléter le bonheur qu'ils avaient eu à les tracer sur le sol. Emi remarqua que les deux images avaient l'air d'avoir les doigts enlacés et ce fut à cet instant même que le nippon enlaça sa petite main. Il la serrait d'une douceur réconfortante, elle voulait que cela en soit ainsi pour le reste de sa petite existence. Leurs regards se croisèrent, mais cette fois-ci, elle plongea dedans sans aucune gène. Elle n'y cherchait absolument rien, puisque comblée était déjà la coréenne. Elle souriait doucement main dans la main en regardant celui qui la rendait si heureuse depuis le matin. Combien de temps avait duré cet instant? Nul ne le sait, quelques secondes ou encore des heures, cela parut que trop bref à la jeune fille. Jamais elle n'avait connu un homme comme Ryûzaki. Jamais. Cependant, elle savait qu'il resterait. Elle ne pouvait qu'apprécier chaque seconde passées avec lui, car elle se sentait bien accompagnée. Ses petites mains étaient protégées au creux de celles du nippon et cela réchauffait le coeur autrefois triste de la lycéenne. Plus rien n'avait d'importance à ce moment de sa vie. Bien entendu, il y avait le reste. La vie, les gens, la nature, la musique, et son passé qui l'habitaient n'étaient que trop superficiel comparé à la beauté de cet évènement. Car oui, c'en était tout un évènement. Peut-être que pour certains, une rencontre reste une rencontre, mais parfois la simplicité de la chose devient telle cette rencontre devient réellement quelque chose de gros. Lorsque jamais auparavant on a ressenti cela, ou encore qu'on ne l'a vécu, on le sait au moment venu. Vous me comprendrez peut-être un jour, ou plutôt vous comprendrez la petite Nakata... Cela étaient le genre de pensées qui hantaient sa tête depuis que ses prunelles avaient cherché celles de son ami. Puis, sans trop savoir pourquoi, Emi réalisa qu'ils étaient maintenant à une distance, si on peut appeler cela une distance, plus que très rapprochée. Cela la fit sourire d'avantage, car elle s'y sentait très confortable. Elle ne savait que dire ou que faire, pour exprimer tout ce qu'elle ressentait.

Dans ces moments-là, vaut mieux suivre son instinc, et c'est ce qu'elle fit. Sans trop réfléchir, pas du tout en fait, la jeune fille s'avança lentement du jeune homme. Elle l'enlaça dans une étreinte profonde et intensément chaleureuse. Elle pouvait sentir son souffle chaud contre elle et son battement de coeur allait à l'unisson du sien. Tout était parfait, ou presque. Elle serait restée là encore plusieurs minutes, mais sans pouvoir l'expliquer, une force l'attira vers l'arrière quelques secondes. Cette même foce la fit avancer doucement vers le jeune homme. Ses bras, qui ne l'avaient pas quitter de son étreinte, se resserrèrent légèrement. Bien sûr, tout cela était nouveau pour la jeune fille, mais elle s'y débroullait tout de même bien. Puis, sans avertir, elle approcha son visage tendrement et déposa un doux baiser sur les lèvres du jeune homme. Cela ne dura pas plus d'un instant, car Emi reprit vite conscience de ses gestes.

Elle se recula vivement, comme étourdie de ce qui venait de se passer. Les joues roses et la confusion dans son regard, elle regardait Ryûzaki. Comment allait-il prendre ce geste? Était-ce déplacer de faire cela à un homme qu'on ne connaissait même pas la veille? Plein de questions envahirent la pensée de la lycéenne. Elle n'avait aucune expérience de ce côté, et elle ne voulait surtout pas avoir l'air idiote. De plus, elle espèrait ne pas avoir choqué le nippon, il lui était si cher. Décidément, elle s'était bien mis les pieds dans les plats...

« Je... euh... J'suis désolée... C'était plus fort que moi.»

Elle finit par dire ces courtes paroles, car le silence commençait à l'énervait quelques peu. C'est en rougissant d'avantage qu'elle attendait la réaction de son ami...

{ Désolée si c’est un peu court~ }

Emi semblait apprécier l’instant présent. Ryûzaki aussi, l’appréciait beaucoup. Il vous aurait menti si il vous avait affirmé le contraire. Il appréciait beaucoup cet instant pour absolument tout. L’ambiance chaleureuse, le paysage enneigé à perte de vue, le fait d’avoir dessiné ces jolis petits anges dans la poudreuse et qui se tenaient la main, le fait qu’eux-même se tiennent la main à ce moment précis, et aussi la présence de la jeune et jolie Nakata. Surtout sa présence, d’ailleurs. Notre bel asiatique se sentait changé depuis qu’il l’avait rencontrée. Peut-être parce qu’elle avait eut un regard différent sur lui, peut-être parce qu’elle partageait la même passion que lui, peut-être parce qu’ils avaient eut des conversations féeriques et des émotions magiques, peut-être parce qu’elle le comprenait et l’appréciait réellement pour ce qu’il était. Peut-être parce qu’elle avait été la toute première à ne pas voir un monstre en lui. Pour cela, pour le simple fait d’avoir été là, Ryûzaki savait pertinemment qu’il ne la remercierait jamais assez. Il lui était infiniment reconnaissant du petit bout de lumière dans sa vie qu’elle lui avait apporté. C’était comme si il était passé d’un film en noir et blancs à un film en couleurs. Comme si il était passé d’un drame à un film heureux sur les émotions humaines et les petits plaisir de la vie.

Emi semblait apprécier l’instant présent, donc. Et même tellement qu’elle ne se priva pas de le montrer à notre homme. En quelques secondes, elles se retrouva blottie contre le grand brun, une nouvelle fois. Ryûzaki aimait bien cette étreinte. Elle le rassurait, lui donnait l’impression d’exister. D’être quelqu’un. La jeune lycéenne recula un peu, puis resserra encore son accolade. C’était chaleureux, et… intense. Puis, sans même comprendre ce qu’il se passait, notre nippon vit Emi approcher doucement ses lèvres des siennes pour y déposer un court baiser. Très court. Qui ne dura, en fait, pas plus d’un léger instant. Ryûzaki n’avait pas la notion de ces choses-là, du moins pas encore. Mais il comprit au recul de la demoiselle que ce n’était pas un geste normal d’amie à ami. Il avait malgré cela trouvé les lèvres d’Emi douces et chaudes,… et même plutôt agréables. Ses joues avaient rosi légèrement, et pourtant le premier mot qui lui vint en tête fut : « désolé. » Un mot que la jeune Nakata prononça à haute voix, comme si elle avait lu dans ses pensées. Ou plutôt comme si IL avait lu dans ses pensées.

« Je… euh… J’suis désolée… C’était plus fort que moi. »

Puis Ryûzaki réalisa enfin ce qui venait de se passer, avec un pincement au cœur. Il aimait Emi. Très fort. Elle lui était indéfinissablement chère et sous aucun prétexte il n’aurait voulu la perdre, mais…

« Ce n’est pas grave… Moi aussi je suis désolé, Emi. Je ne peux pas t’apporter plus que ma plus profonde amitié. »

Puis il pria, supplia intérieurement qui voulait bien l’entendre, car il voulait rester avec son jeune ange, continuer à passer de tels moments avec elle, continuer de l’adorer et de ressentir qu’elle l’adorait… Il ne voulait pas que cela change, leurs rapports et leur relation. Ca ne devait pas changer. Il avait un peu peur et espérait qu’elle ne le prendrait pas mal et qu’elle ne le laisserait pas là. Il était sincèrement désolé, mais… son cœur était déjà pris.