But I care what you are [Pv Ryûzaki]

« Oh, mais je t’apprendrai. »

Sur cette réplique, Teika guida son aîné, lui fit descendre les marches et referma sa maison derrière eux. Il appela un taxi qui se fit attendre une dizaine de minutes, puis aida Ryûzaki à entrer à l’intérieur. Ensuite, il grimpa à bord à son tour, et s’attacha à côté du grand brun. La voiture démarra silencieusement, et les voilà partis pour… on ne sait où, d’ailleurs. Enfin, Ryûzaki ne savait où. Mais il s’en doutait un peu, maintenant que le rouquin avait parlé de danse. Au bout d’un certain temps, l’aîné sentit une main rassurante se poser sur son genoux. Puis, après un temps qui sembla durer une éternité derrière le bandeau, le véhicule s’arrêta et les deux asiatiques descendirent, l’un aidant l’autre qui n’y voyait rien. Ryûzaki avait tout de même hâte de retirer ce fichu foulard. Et cela ne tarda pas. Bientôt les mains de Teika le lui enlevèrent, mais la vue que le brun eut alors ne changea pas beaucoup, parce que la nuit était tombée et que dans les rues, il faisait sombre.

Devant nos deux frères se dressait une immense discothèque. « Voilà, c’est là », confirma le rouquin. Puis il avança vers l’entrée des lieux, et les videurs le laissèrent passer sans aucun problème. Sans doute était-il un habitué… Ryûzaki regarda l’enseigne et les deux gros bras qui gardaient l’entrée. C’était la première fois de sa vie qu’il allait entrer dans une boîte de nuit, alors il savourait chaque seconde avant de mettre un pied à l’intérieur. Mais le roux commença à s’impatienter et lui fit signe de le suivre, ce qu’il fit aussitôt. Cet endroit lui faisait encore un peu peur. C’était grand et bourré de monde, alors il n’avait aucune envie de se perdre et préférait suivre son petit frère de très près.

Ils suivirent un couloir étroit et débouchèrent dans la salle. Il faisait encore plus sombre que dehors. Seules les lumières des spots colorés et celles de la piste mettaient l’ambiance. Dans la vaste pièce, on pouvait voir une grande scène (vide ce soir-là), des immenses enceintes qui diffusaient du son à fond, et un peu plus loin dans un coin, un bar. Teika se dirigea directement vers celui-ci, et à peine fut-il en vue du barman qu’un verre fut déposé sur le comptoir à son attention. Oui, un habitué, Ryûzaki ne s’était pas trompé. Mais ça ne l’étonnait pas que le rouquin fréquente ce genre d’endroit, vu comment il était. Le cadet des deux hommes se tourna vers son aîné et lui demanda ce qu’il désirait boire. Déboussolé par la magie des lieux qu’il embrassait des yeux, le grand brun ne réfléchit même pas et répondit d’une voix absente :

« Eeuh, la même chose que toi. »

En fait, il ne savait même pas ce que le barman avait servit à Teika, mais il était bien trop occupé à détailler chaque coin, chaque couleur, chaque lumière, chaque mouvement de la discothèque. Il voulait imprimer l’image de ces lieux, la graver dans son esprit. C’était tellement rare qu’il fréquente ce genre d’endroit que vous le comprenez sûrement. Et comme c’était la première fois, la tête lui tournait. Il ne savait plus où regarder. Il trouvait cela magnifique, toutes ces couleurs qui bougeaient sans cesse… Il était impressionné, et se sentait tout petit lorsqu’il voyait la foule impressionnante qui dansait déjà sur la piste. Il leva la tête vers le plafond décoré de multiple spots lumineux. Teika devait bien se moquer de lui. Ce n’était pas commun de voir quelqu’un s’émerveiller devant une boîte de nuit. Mais quand on connaît la vie de Ryûzaki, on le comprend. Il était heureux, ici. Un sourire fendait entièrement son visage, partant d’une oreille pour rejoindre l’autre.

À côté de lui, le rouquin venait de boire une gorgée de son Smirnoff, avant de reposer son verre. La musique s’évanouit, remplacée par un air beaucoup plus lent, beaucoup plus mélodieux et aussi beaucoup plus tendre. On appelait ça comment, déjà ?

« J’imagine qu’un slow tu sais le danser, non ?
- Eeuh… »

En fait, la réponse était « non ». Mais l’air entendu que Teika avait employé lui faisait un peu honte. Il n’avait jamais vu quelqu’un danser de slow, alors il ne pouvait pas savoir comment le danser. Ryûzaki porta son regard dans celui de son petit frère et lui demanda :

« Tu m’apprends ? »

Puis il lui fit un sourire timide et baissa les yeux, espérant que le rouquin allait bien vouloir le faire. Il serait le premier. Ryûzaki voulait qu’il soit le premier.

{ Mdr, je prends un cours de slow en même temps que Ryû là x). }

« Tu es sûr hein ? C'est de l'alcool Ryû, A, L, C, O, O, L et c'est pas n'importe quoi ça. Commence par quelque chose de plus doux... »

Ryûzaki entendit sans l’écouter la remarque de son petit frère. C’était gentil de s’inquiéter, mais de toute façon le verre était servi. Cependant, l’aîné était tellement occuper à mirer toujours plus l’immensité des lieux qui l’entouraient qu’il en oublia complètement l’alcool que le barman venait de lui servir, et n’y toucha donc même pas. Bah, il goûterai cela plus tard, rien n’était pressé. Le grand brun était près à rester longtemps ici, toute la nuit, toute la journée et même la nuit suivante, cela ne lui aurait posé aucun problème. Enfin, tant que Teika restait près de lui, bien sûr.

« J’imagine qu’un slow tu sais le danser, non ?
- Eeuh… Tu m’apprends ?
- Volontiers. »

Ryûzaki observa le sourire que son petit frère lui esquissa. Il était heureux de voir que cela ne le dérangeait pas. Il avait entendu dire que les slows étaient le genre de danse langoureuse que l’on danse avec son/sa bien-aimé(e), et cela se confirmait lorsqu’on regardait la piste de danse… En plus de cela, ils étaient deux hommes. Mais Teika n’était pas plus gêné que cela, apparemment. Il quitta le comptoir d’un pas cependant mal assuré. Cet alcool était-il donc si fort que cela ? Ryûzaki s’était déjà shooté quelques fois, mais jamais il ne s’était bourré la gueule. Ca devait être marrant, se disait-il. Enfin, pas au plus haut point où les maris tabassent leurs femmes non plus, mais juste assez pour ne plus marcher droit et pour rire pour un rien. Mais revenons à l’instant présent.

Le grand brun suivit son cadet sur la piste de danse. Les lumières s’étaient faites plus discrètes, plus fades, plus lentes et plus sombres, créant l’ambiance parfaite pour un slow. Lorsqu’ils furent au milieu de la piste, Teika commença à enseigner à son grand frère comment l’on dansait cela. Il prenait les mains de Ryûzaki et les plaçait sur ses hanches, agrémentant ses gestes de paroles explicatives. Il posait aussi ses mains près de la nuque de son aîné, se prêtant parfaitement au jeu. D’après ce qu’il disait, le rouquin était la femme et le brun l’homme. Donc c’était une danse entre personnes de sexes opposés. Comment les gens allaient-ils les regarder ? Ryûzaki s’en fichait royalement. Pour une fois, le regard des autres lui importait peu : il avait prévu de s’amuser et rien ne l’en empêcherait. Il avait l’impression que la présence de son cadet le rendait plus fort. Un jour plus tôt, il n’aurait jamais voulu mettre un doigt de pied dans une discothèque. Il aurait fuit, comme d’habitude. Il était temps de changer !

« Tu as juste à tourner sur toi même, doucement. Enfin tu le fais au rythme de la musique.
- Ah, d’accord. C’est facile, en fait ! »

Ryûzaki sourit à son petit frère. D’un sourire sincère, heureux, comblé et tout ce que vous voudrez. Le rouquin entama la danse d’un premier pas, et l’aîné suivit les mêmes mouvements. Ca y est, il savait danser un slow ! Il n’en revenait pas. Moquez-vous, allez-y. Moquez-vous de quelqu’un qui découvre les petits plaisirs de la vie. Qui découvre la vie tout court, en fait. Moquez-vous mais cela ne changera rien à ce que le grand brun ressent. Malgré les regards des autres, il restait là à danser avec Teika, et fier.

Les secondes s’écoulaient lentement, au rythme de la musique. Et nos deux asiatiques dansaient toujours. Ryûzaki trouvait le slow très agréable. Très sensuel, puisque leurs deux corps étaient presque complètement collés l’un à l’autre. Le grand brun adorait cet instant. Il aurait voulu que le temps s’arrête et qu’il les laisse danser pour toujours, il aurait tant désiré que jamais la musique ne s’arrête… C’était magique pour lui, tout ça… Aurait-ce été aussi bien avec une fille ? Sûrement pas. Rien ne pouvait être mieux qu’en ce moment précis. L’aîné regarda son petit frère, et plongea dans son regard, au plus profond qu’il le pouvait. Il sourit. C’était à lui qu’il devait toutes ces émotions, tout ce bien-être. Même si ce n’était pas réciproque… Alors, Ryûzaki approcha ses lèvres de l’oreille de Teika et y souffla délicatement un :

« Merci… »

Puis, il éloigna un peu sa tête pour reprendre sa place initiale dans le slow. Mais il resta plus près du corps du roux qu’au début de la danse. Leurs visages n’étaient plus séparés que de quelques centimètres, à présent… Quelque chose attirait Ryûzaki vers son petit frère. Il ne savait pas du tout ce que c’était, et il ne cherchait pas à comprendre d'ailleurs. Mais c’était bien présent, et ça l’attirait inlassablement. Toujours plus fort… Le brun avait l’impression d’être guidé d’une main invisible, comme un pantin l'aurait été. Il ne savait pas pourquoi il était comme ça, il ne savait pas d’où il tirait ce geste ni l’idée-même de l’effectuer, mais il suivit son instinct. Il suivit ses sentiments.

Ryûzaki se pencha lentement et approcha ses lèvres de celles du roux. Il n’avait jamais fait cela de toute sa vie, alors il avait un peu peur. Il sentait son cœur battre la chamade dans sa cage thoracique, et il n’aurait pas été surpris de le voir sortir de sa poitrine à tout moment. Mais était-ce vraiment de la peur… ? « Il faut bien un début à tout », pensa le jeune homme. Et il glissa ses lèvres entre celles de Teika dans un baiser tendre, puis ferma les yeux. Les lippes du rouquin étaient douces et délicieuses, plus encore que Ryûzaki ne se l’était imaginé. Mais qu’était-il en train de faire ? Il embrassait son petit frère… Comment ce dernier allait-il prendre cela ? Le brun ne bougea cependant pas. Il continuait de tourner lentement au rythme de la musique, sentant maintenant le corps de Teika contre lui. Il fermait toujours les yeux, et ne retirait pas ses lèvres. C’était trop bon pour qu’il ne les retire tout de suite…

{ Naa t’inquiètes pas puce, c’est parfait <3. Comment mon cœur il faisait ‘boum bouum’ xD. }


Et ils étaient là, tous les deux, debout au milieu de la piste de danse, un soir d’hiver, partageant un slow et même un baiser devant les regards parfois dégoûtés des gens dont les yeux se posaient sur eux totalement par hasard. Pourquoi tant de haine ? *SBAF* Parce qu’ils étaient deux hommes ? C’était même bien pire que cela. Ils étaient deux frères. Mais ça, seul Ryûzaki le savait. Dommage, il avait presque oublié ce fait indéniable et voilà qu’il revenait lui tenailler les entrailles… surtout maintenant qu’il avait ses lèvres posées sur celles de son cadet. Que se passerait-il si le rouquin apprenait la vérité ? Il ne devait surtout pas la découvrir, ou en être mis au courant. Jamais. Ou alors lui aussi il abandonnerait son grand frère. Jamais. Jamais il ne devait savoir… Ryûzaki doutait pourtant beaucoup qu’il arriverait à le lui cacher très longtemps. En plus, maintenant, il se sentait coupable. Terriblement coupable ! Coupable de quoi ? D’aimer son frère, d’un Amour pourtant non fraternel. Il le savait à présent. Cet Amour, c’était quelque chose de bien plus fort et ça n’avait aucun rapport avec la famille. Cet Amour… Un Amour impossible, comme on dit.

Et pourtant, les deux hommes s’embrassaient. Les lèvres accolées tendrement les unes aux autres, tous deux semblaient vraiment apprécier ce baiser. Un baiser doux et délicieux, agréable et délicat… Un baiser parfait. Plus parfait que Ryûzaki ne l’avait imaginé. Encore plus parfait lorsque Teika le prolongea en y répondant tandis qu’il déposait une main sur la joue droite de son aîné. Et un baiser qui dura… jusqu’à ce que le plus jeune des deux asiatiques y mit un terme. Le rouquin eut en effet un mouvement de recul, et fit quelques pas en arrière. Son expression était indéchiffrable.

« Excuse-moi… », lâcha t-il enfin.

Il porta ensuite une main à son front, fiévreusement. Il n’avait pas l’air bien, et son teint pâlissait à vue d’œil. Sa peau était humide par endroit, cela se voyait lorsque les projecteurs colorés éclairaient sa peau anormalement blanche. Il semblait crever de chaud, et des gouttes de transpiration luisaient sur son front. Ca ressemblait à des sueur froides. Très inquiet, Ryûzaki regarda son petit frère, et au moment où il allait demander si ça allait, celui-ci commença à marcher vers le bar, sans doute pour aller s’asseoir. Mais il n’eut pas le temps d’atteindre le comptoir et s’effondra par terre au ralenti. Vous savez, comme dans les films lorsqu’on croit qu’un être cher au héros vient de mourir et qu’on le voit tomber… Et bien c’était exactement la même chose dans les yeux de Ryûzaki, sauf que c’était réel. Affreusement réel.

En voyant son petit frère étalé de tout son long sur la piste de danse, inerte, le sang du brun ne fit qu’un tour. Il se jeta au sol, tomba à genoux près de Teika et l’appela d’une voix remplie de panique jusqu’à ras bord.

« Teika.. ! Teika ?! TEIKA ! Réponds-moi ! », s’écria t-il.

Autour d’eux, les gens n’avaient absolument pas bougé d’un poil. À croire qu’ils s’en foutaient et qu’ils continueraient à danser leur foutu slow même si le rouquin venait à crever juste sous leurs yeux. Ryûzaki, au bord d’un excès de colère envers eux, souffla une dernière fois un appel suppliant à son cadet.

« Teika, je t’en prie réponds-moi… »

Voyant que ça ne changeait strictement rien, il prit l’initiative et se releva, soulevant le corps de son petit frère. Celui-ci ne pesait pas bien lourd, mais comme le brun était frêle et pas très fort, il tituba d’abord sous le poids de Teika avant de reprendre son assurance. Le portant comme un prince porterait sa princesse endormie, avec un délicat sans nom, il se précipita jusqu’aux toilettes des hommes. Elles étaient vides. Ryûzaki fit une violente entrée en poussant la porte de toutes ses forces, puis il se rattrapa contre le mur pour ne pas tomber. Il reprit son souffle et fit de nouveau quelques pas, avant de déposer doucement le corps toujours inerte de son petit frère sur le carrelage vert et froid des sanitaires.

Comme précédemment, il s’agenouilla à côté de lui et l’appela… En vain. Il redressa alors Teika et l’assit contre le mur. Puis il constata que le rouquin était bouillant et lui passa de l’eau fraîche sur le visage. Celle-ci dégoulina jusque dans les vêtements du garçon sans faire le moindre effet. Ryûzaki commençait à paniquer pour de bon. En plus, il n’avait jamais pris ou assisté à des cours de premiers secours et ne savait donc pas du tout ce qu’il aurait été bon de faire ou pas. Il n’osa pas secouer son frère ni le brusquer d’une autre façon, il croyait se souvenir qu’il ne fallait surtout pas. Mais bon dieu, que pouvait-il bien avoir ?! Le brun ne savait plus comment faire, alors il s’adossa lui aussi au mur, étendit les jambes, leva la tête vers le plafond en la collant au rempart de carrelage derrière lui et ferma les yeux. Il prit une profonde inspiration et tenta de se calmer. Un crise de paranoïa lui tenaillait les entrailles et l’empêchait de penser correctement. Il tremblait de tous ses membres parce qu’il avait peur. Terriblement peur. Et personne n’était là pour les aider…

Il rouvrit les yeux et porta son regard vers Teika, lequel était toujours inconscient. Non, ce n'était pas un rêve, c'était un cauchemar. Un cauchemar pourtant bien réel. Le jeune homme avait encore pali et la sueur perlait de plus en plus sur sa peau. C’est alors que Ryûzaki aperçut le bras du rouquin, déchiré d’une blessure sanglante juste au dessus de la veine principale. En y regardant mieux, le brun comprit. Il connaissait bien cette trace, pour se l’être infligé plusieurs fois lui-même. La trace d’une seringue… La trace de la drogue. Une drogue puissante et dangereuse, de laquelle on a du mal à se séparer. C’est alors que Ryûzaki revit certaines scènes vécues le jour-même. Teika s’enfermant dans la salle de bain, puis ressortant faussement heureux… Teika semblant essayer de cacher quelque chose… Teika retournant dans la salle de bain pour en ressortir inchangé… Teika passant pour un habitué de la boîte de nuit… Teika prenant un alcool puissant au bar… Tout s'expliquait ! Tout collait affreusement. Ryûzaki serra les dents car elles claquaient tellement il tremblait à présent. Cette situation, ces toilettes, ces pensées, cette peur, ce mal et ce sang… C’était cauchemardesque. Des larmes lui brouillèrent la vue peu à peu, tandis qu’il paniquait de plus en plus. Il aurait tant voulu crier à l’aide, hurler de toutes ses forces jusqu’à en avoir mal à la gorge, mais aucun son ne sortait. Il n’y arrivait pas, il était comme paralysé, muet.

Ryûzaki avait l’impression que tout était noir, qu’il se retrouvait de nouveau terriblement seul, dans une obscurité bien plus totale que jamais. Même si la lumière des toilettes était belle et bien allumée, il n’y voyait plus rien. Ses yeux pourtant ouverts cherchaient à s’échapper, et une espèce de fantasmagorie se formait dans l’esprit brouillé du grand brun. Une fantasmagorie… plutôt cauchemardesque. Il venait de retrouver son petit frère par le plus pur des hasards, il avait réussi à l’accepter, à l’aimer et à l’embrasser pour deviner que ses sentiments étaient sûrement réciproques, lorsqu’un nouveau drame surgissait face à lui, sans préavis. Il avait l’impression de marcher sur une plage de sable fin, et de trébucher sur un gros galet dissimulé, de tomber, de rechuter sans fin vers le plus grand des malheurs… Non, c’était impossible, Teika ne pouvait pas mourir… Pas maintenant… Il ne devait pas, il n’avait pas le droit de lui faire ça alors que le goût de ses lèvres brûlantes demeuraient encore sur celles de l’aîné. Ce dernier se releva dans un ultime effort pour balancer de nouveau une claque d’eau sur le visage livide du rouquin. Tremblant de tous ses membres, Ryûzaki se laissa retomber contre le mur et se recroquevilla sur lui-même. Il avait terriblement froid, et pourtant la sueur coulait sur sa peau bridée. Il ramena ses genoux contre sa poitrine, enlaça ses jambes d’un geste fébrile et posa la tête sur ses bras, fermant les yeux du plus fort qu’il le pouvait.

Soudain, il y eut du mouvement à sa droite. Un espoir l’envahit aussitôt, lui faisant l’effet d’une entrée dans une marre gelée. Il secoua la tête pour voir Teika se relever avec peine, puis se précipiter dans les toilettes. Il y vomit son dernier repas en intégralité, puis Ryûzaki n’entendit plus un bruit. Il n’avait pas bougé, restant comme figé sur place, paralysé, les pupilles dilatées comme s’il était complètement dépassé par les évènements… ce qu’il était, pour tout vous dire. Sa paranoïa ne voulait pas le laisser tranquille, et sa peur l’engloutissait, le noyait, l’empêchant de respirer convenablement pour se calmer. Les yeux grands ouverts, il attendait d’entendre un signe de vie de la part de son cadet. Ah… À quoi ça sert d’être l’aîné, si l’on est même pas capable de protéger son petit frère ? Ryûzaki se haïssait profondément. Et tandis qu’il se traitait intérieurement de tous les noms possibles et imaginables, Teika entra dans son champs de vision une nouvelle fois. Il semblait perdu, sa marche était faible et ses traits barbouillés, mais sinon il semblait allait mieux. Ce qui n’était pas vraiment le cas du brun, qui n’avait toujours pas réussi à bouger. Ainsi, il regarda le rouquin se passer une quantité d’eau impressionnante sur le visage, et même jusque dans sa belle chevelure. Ensuite, il obstrua le jet régulier de son bras vilainement amoché et attendit. Les minutes passèrent lentement… Très lentement. Semblant même durer plus d’une éternité à Ryûzaki. Et Teika ne bougeait pas, il se contentait d’attendre sans piper mot, et seul le bruit de l’eau contre sa plaie et la musique à présent très lointaine rompaient donc le silence.

Rassemblant ses dernières forces – bien qu’il n’était plus vraiment sûr de les posséder –, Ryûzaki poussa sur ses pieds et se redressa laborieusement, s’aidant du mur auquel il était adossé en glissant le long de celui-ci. L’effort fut pénible et ne fit que contribuer à la fonte de ses larmes, mais le brun était maintenant debout. Ses jambes tremblantes menaçant de se dérober sous son poids (pourtant faible) à tout moment, il préféra garder une main contre la paroi de carrelage glacée, afin de se soutenir en position verticale.

« T… T… Teika… »

Il avait honte d'être ainsi, si faible devant son frère. Sa voix tremblait plus que jamais, et la boule qui s’était formée au fond de sa gorge lui faisait terriblement mal. Elle grossissait de plus en plus, obstruant ses voix respiratoires, et Ryûzaki avait même peur qu’elle aille jusqu’à l’en étouffer. Le premier mot qui était sorti, bien que très difficilement, fut le propre prénom de son petit frère. Cet être maintenant si cher à ses yeux, cet Amour Impossible et pourtant si fort qu’il ressentait pour lui… Mais pourquoi ?! Pourquoi fallait-il qu’ils fassent partie de la même famille et que les liens du sang les relient ? Ils ne pourraient jamais être ensemble… Les larmes de Ryûzaki redoublèrent à cette pensée. Mais pour l’instant, il y avait des préoccupations plus importantes que ce baiser échangé et que ces sentiments si puissants qui avaient germé tout au long de la journée…

« Est-ce que… est-ce que… ça… va… mieux… ? »

Ryûzaki avait enfin réussi à formuler une phrase complète et sensée. Enfin, à peu près. Inutile de préciser que ce ne fut pas sans bafouiller violemment… Puis, sans même attendre une réponse qui paraissait, après tout, évidente, il reprit :

« J’appelle… un taxi. Et je te raccompagne… chez… chez toi… »

Ses tremblements se calmaient peu à peu, car Teika semblait avoir retrouvé son état normal. Sauf si on s’attarde sur sa plaie et sur sa peau anormalement livide. Quelle peur bleue il avait bien put lui faire ! Le plus âgé de nos deux frères glissa la main dans sa poche et en sortit son téléphone portable. Il l’ouvrit tant bien que mal, appela un taxi et raccompagna son cher cadet jusqu’à chez lui, lui remettant son numéro de téléphone et son adresse, puis le quitta en lui faisant promettre qu’il l’appellerait si il en avait besoin. Ainsi se termina cette triste soirée…

&&. À suivre chez Ryûzaki.

[ J’ai été un peu vite, désolée, mais je vais créer le sujet chez Ryû comme on a prévu pour le scénario =). ]