Kazu-Chan ___ ♥ { Finished* }

C’est un fait. Kazuko a toujours vécu dans son monde. Dès sa plus tendre enfance. Il est né à Yamaguchi et n’est jamais sorti de la ville. D’ailleurs, il déteste voyager. Sa mère, Hitomi Uesugi, 28 ans, top modèle japonaise, est tombée amoureuse de son photographe, Takanori Oishii. Elle était fille d’un écrivain et d’une professeur de musique, il était fils de riches parents immigrés en France avant la guerre. Lorsque Takanori eut 21 ans, il quitta la France pour retourner dans son pays d’origine et pour y faire des études de photographes. Et justement, premier photoshot en tant qu’individuel, il rencontre Hitomi Uesugi. C’est le coup de foudre. Love at first sight. Deux ans plus tard, Hitomi accouche d’un premier garçon qu’ils nomment Akira. Et trois ans après la naissance du premier vient le second : Kazuko. Dès le début, ils voyaient bien que leur petit dernier n’était pas comme Akira. Ne parlons pas de son retard du Premier Mot, ni de ses Premiers Pas, car il fut très en retard. Lorsque Kazu-chan eut trois ans, ses parents l’emmenèrent chez un docteur qui lui fit passer des analyses à l’hôpital.

- Il est atteint du Syndrome d’Asperger… Je suis désolé.
- Pardon ?
- Votre fils est autiste, madame… Mais il se peut que ça passe en grandissant… Néanmoins, il faut faire bien attention à lui sans le surprotéger. Il doit se sentir normal et…
- Je sais très bien ce qu’il faut faire ! Je suis sa mère !!
- Du calme, ma chérie… Monsieur essayait juste de t’expliquer…

Malheureusement, il n’y eut aucune amélioration. Heureusement, le niveau d’autisme dont souffrait Kazuko n’était pas très élevé. Néanmoins, il parlait peu, par monosyllabe et souvent, n’écoutait pas ce qu’on lui disait. Et puis il était passionné par la musique. Mais vraiment passionné. Il était de ces gens qui cherchent la musique partout. D’ailleurs, lorsqu’il entra à l’école – ce qu’il ne fit qu’à 11 ans – la musique était sa matière favorite. Un jour, leur professeur leur demanda un oral sur « Que représente la musique ? » Et Kazuko eut la meilleure note et impressionna tout le monde.

- Quand on y réfléchit, la musique est unificatrice, elle possède une force incroyable. Les gens qui expriment des opinions divergentes sur tout ont parfois la musique en commun. En plus, la musique est une constante absolue. Voilà pourquoi elle et nous avons un lien presque viscéral. Une chanson vous ramène instantanément à un instant, à un lieu, à une personne. Peu importe si vous ou le monde qui vous entoure avez changé, cette chanson demeure la même, comme l’instant que vous avez vécu. Ce qui est stupéfiant, quand on y pense.

Ce fut cet exposé qui lui valut de sauter une classe et ce fut la seule fois où il parla autant. A quatorze ans, on ne tient pas de tels discours. Mais la différence persistait. Il était différent des autres. Toujours seul, personne ne traînait avec lui. Après tout, tout le monde le croyait idiot. Il restait dans son coin, avait toujours de la musique dans les oreilles et n’essayait pas de se lier d’amitié avec les autres. Il était très bien seul. Cependant, ce refus catégorique de se sociabiliser inquiétait sa mère. Seul le mannequinat l’empêchait de surprotéger son enfant. Celui qui se chargeait de ce rôle n’était pas non plus son père, mais bien Akira. Il l’amenait et aller le chercher en cours, refusait qu’il rentre seul, insistait pour l’emmener au cinéma ou dans les magasins. Bref, il s’occupait de lui. Mais il y eut ce jour, ce fameux jour où toute sa vie changea. Depuis le temps qu’il était au lycée, c’est-à-dire trois ans, personne ne lui avait réellement adressé la parole. Personne ne s’était intéressé à lui.
Ce n’était pas une journée bien différente des autres. On était un mercredi et il avait deux heures de musique alors il se dépêchait d’atteindre la classe. Mais il y avait beaucoup trop de monde dans les couloirs et tout le monde avançait au ralenti. Il s’empêcha de péter un câble et tenta de se faufiler entre deux élèves, grâce à sa petite taille. Mais quelqu’un qui arrivait en sens inverse le bouscula si fort qu’il tomba à la renverse en lâchant ses feuilles de cours, les stylos qu’il n’avait pas eu envie de ranger et sa boîte de pastels. Il s’agenouilla pour tout ramasser. Personne ne l’aidait, ni ne le regardait. Ils passaient en coup de vent, la tête haute. Et Kazuko avait beaucoup de mal à tout ranger. C’est alors qu’une main se posa sur la sienne. Il ne bougea plus, à part pour lever la tête, et sentit un long frisson remonter dans son dos. Il ne connaissait pas ce garçon qui l’aidait alors que tous passaient à côté d’eux sans les voir.

- Tu as besoin d’aide ?
- … Hai.
- Comment tu t’appelles ?
- Uh… Kazuko Oishii.
- Aah… Moi c’est Sachiro Ogawa. Enchanté, Kazu-san !

Le destin voulu qu’ils se croisent de nouveau deux semaines plus tard. La fête foraine s’était installée à Yamaguchi et, comme chaque année, Akira y avait traîné Kazuko. Mais cette année, ils n’avaient encore rien fait, même pas un pas, qu’une voix appela le cadet. Celui-ci se retourna pour découvrir Sachiro Ogawa qui courait vers lui. Il l’accueillit avec un simple sourire. Au moment où il s’était retourné vers son frère, Akira avait disparu. Il ne chercha pas à comprendre plus loin et continua de marcher aux côtés de Sachiro. Finalement, ils optèrent pour le Palais des Glaces et Kazuko, avec sa maladresse phénoménale, se mangea beaucoup de vitres avant d’atteindre la sortie, tenant Sachiro par la main.

- Tu as mal, Kazu-chan ?
- Hai, un peu.
- Ça te dit une barbe à papa ?
- Oh oui ! Merci Sachiro-chan !

Et Sachiro lui paya une barbe à papa. Quelques minutes plus tard, il s’aperçut qu’il en restait encore au coin des lèvres du petit nippon. Il se pencha vers lui pour essuyer la sucrerie du pouce. Il se baissa de plus en plus jusqu’à ce que leurs lèvres se joignent. Un moment hors du temps, hors de toute barrière matérielle et immatérielle. C’était tendre et passionné. Enfantin et mature. Lorsqu’ils s’écartèrent, ils repartirent comme si de rien n’était. Mais il s’était bien passé quelque chose. Et aucun des deux ne comptaient laisser passer ce moment. Sachiro alla chercher la main de Kazuko qui ne fit rien qu’entrelacer ses doigts à ceux du garçon et à sourire doucement. There's always a silver lining in the sky...

... And the rest is still unwritten